Le Vice-Président Denis Merville a exposé, lors du Conseil départemental du 22 novembre, le contexte dans lequel s’inscrivent les orientations budgétaires du Département pour l’année 2018, avant de rappeler que la construction du prochain budget serait guidée par « la recherche permanente d’économies et d’optimisation de nos moyens »…
Une présentation et un rapport d’orientations qui ont fait longuement réagir les élus communistes du Front de Gauche sur la forme, pour ironiser, comme sur le fonds, pour appeler avec gravité, à un changement de cap urgent.
Stéphane Barré a souligné combien la collectivité comptait « des services brillants qui parviennent en 56 pages à présenter une cartographie complète de nos finances, accompagnée d’une analyse très fine et pertinente du contexte budgétaire… sans rien nous dire des orientations que vous proposez ».
Le groupe communiste du Front de Gauche : « reste sur sa faim. La soupe est fade. Car il manque un aspect essentiel à ce rapport d’orientation budgétaire : ce sont vos orientations budgétaires !… ».
Un « flou » dont le groupe s’est amusé : « Seriez-vous déjà à court d’idée ? Ou ennuyés, traversés par des contradictions, des tiraillements dans votre majorité fragile entre les opposants et les partisans du gouvernement ? La loyauté de certains de vos collègues envers le 1er Ministre conduit, il est vrai, de plus en plus au grand écart ou à la figure de style lorsque l’action gouvernementale est confrontée à la réalité de ses conséquences sur notre quotidien et celui de nos concitoyens. Le Président d’Habitat 76 ou celui d’Alcéane présents parmi nous en savent quelque chose ! ».
Après ces amuse-gueules, Stéphane Barré est passé au plat principal… Le contenu du futur budget du Département : « Etre utile et reconnu comme tel, parce que nous sommes capables d’agir, de peser sur le cours des choses en faveur du peuple, dans toute sa diversité, voilà ce qui, en Démocratie, fera toujours la différence. Et cela tombe bien, nous sommes élus d’une collectivité connue et reconnue pour son utilité, sa connexion permanente à travers ses politiques de solidarité, ses politiques en faveur de l’éducation, de l’enfance, de la famille, des plus fragiles, par son implantation de proximité et sa capacité à accompagner les gens comme leurs communes ».
Et Stéphane Barré a alors interpellé ses collègues : « Ce patrimoine qui a permis de sauver une première fois les départements menacés de mort par les logiques de concentration véhiculées par la doctrine libérale, qu’en faisons-nous ? Nous contentons-nous de le gérer selon la règle du « c’est mieux que rien » en répercutant sur nos politiques publiques l’austérité voulue par le pouvoir libéral national et européen ? En se refusant d’allouer les moyens nécessaires pour assumer nos politiques dans un contexte où la pauvreté, la précarité, les difficultés de la vie progressent chaque année un peu plus comme tous les rapports qui se succèdent devant cette assemblée le démontrent ? En rognant sur tous ce que nous développons en termes d’utilité ? ».
Avant d’énoncer les coups de rabot déjà subi :
- La fermeture d’un collège ici.
- La suppression des bourses aux familles les plus fragiles (- 930.000 Euros par an dont seulement 168.000 ont été réinjectés dans l’aide à la restauration).
- L’exclusion du Pass’Culture d’une majorité de nos collégiens.
- La diminution de la Dotation Globale de Fonctionnement des collèges publics (- 941.000 Euros en 2017 et – 275.000 Euros en 2018).
- La concentration du FSL sur ceux qui en ont le plus besoin, mais au détriment de ceux qui ne connaissent pour l’heure que des problèmes conjoncturels.
- La baisse du financement des centres sociaux situés en quartier prioritaire de la politique de la ville (- 80.000 Euros sur 2 ans pour les 9 centres sociaux dans le collimateur).
- Le gel le nombre de places en EHPAD malgré les besoins en forte progression.
- Ou encore la baisse du budget du SDIS occasionnant la fermeture de casernes et l’abandon d’interventions utiles pour nos concitoyens (- 1 million au BP 2017).
« Je m’arrête là, cette liste n’est pas exhaustive, mais l’addition de cette énumération s’élève déjà à plus de 4 millions prélevés sur nos politiques publiques par la cure que vous leur imposez. Sauf que cette stratégie des coups de rabot au détriment des besoins, trouve rapidement ses limites. Un moment où un autre, elle touche l’os, la moelle, la substance ».
Rappelant toutes les baisses des dotations et compensations de l’Etat en direction des collectivités locales depuis Sarkozy jusqu’à Macron en passant par Hollande, Stéphane Barré a fait part ensuite de sa « grande inquiétude » concernant l’avenir des départements : « Les Départements sont de nouveau sur la sellette. En effet les régions et les métropoles dont la connivence à cet égard saute aux yeux, se verraient bien se passer de nous ».
Fort de ces constats, il a estimé que « la meilleure réponse à apporter serait de renforcer l’utilité, la lisibilité, l’efficacité de nos politiques publiques à partir d’un constat simple : l’urgence sociale progresse, tout le monde le déplore mais c’est ainsi. Cette progression des besoins appelle de la part de la collectivité chef de file des solidarités, des moyens en progression, à la hauteur des enjeux et non pas des coups de rabot ».
Avant d’apporter la solution : « Comment, vous allez de dire ? En révisant justement vos orientations et en mettant fin, par exemple, au choix, dogmatique, d’accélérer le désendettement de la collectivité en faisant fi du contexte que je viens de rappeler et des besoins à satisfaire ».
Et de joindre la démonstration à la parole : « Si je ne m’abuse, vous aviez pris l’engagement de désendetter de manière accélérée la collectivité à hauteur de 100 millions sur la durée du mandat. Nous devrions atteindre les 91,8 millions en fin d’année grâce notamment en partie aux effets des transferts à la Métropole. Ne croyez-vous pas qu’il serait temps de faire une pause afin de mieux répondre aux besoins de nos services dont les sous-effectifs au regard des besoins à satisfaire commencent à peser lourdement ? Les compressions des effectifs, même facilitées ou masquées par les effets des réorganisations atteignent leurs limites ».
Stéphane Barré a appelé chacun à méditer : « Face à ce chiffre de 92 millions obtenus sur le désendettement facultatif, mettez en perspective les 4 millions de coupes dans des budgets utiles que je vous ai énumérées à l’instant, ou encore les 5 millions supplémentaires, ce n’est ici qu’une estimation, qu’il faudrait mettre sur la table dans le secteur social pour répondre à l’accroissement des besoins ».
Tout en rappelant au passage que son groupe n’est « pas pour autant adepte de la dette », Stéphane Barré a estimé « que votre stratégie n’est pas conforme aux intérêts des seinomarins qui n’en finissent plus de payer par tous les bouts les effets de la crise. Nous pouvons parfaitement rembourser nos emprunts sans un zèle excessif, sans nous mettre en danger et sans recourir à une austérité départementale sur nos services de première nécessité ».
Enfin, il a relevé, non sans malice, une contradiction entre « l’excès prudentiel dont vous faites preuve en matière de fonctionnement » et « l’excès « imprudentiel » que vous appliquez aux investissements ».
En cause, la contribution du Département « au mauvais projet de contournement Est de Rouen ». Explication : « Cela ne vous pose visiblement pas de problème de doubler, en un an, pour ce projet le montant du chèque départemental estimé à 22 millions. Et sans aucune garantie qu’il ne nécessite une rallonge, ce qui du reste est fort probable s’agissant d’un tel projet mal ficelé. Une augmentation de 10 millions pour financer ce projet à la place d’autres collectivités qui ont eu la sagesse de s’en retirer et qui pèsera évidemment sur notre endettement. Paradoxe quand tu nous tiens… ».
Le Président du groupe communiste du Front de Gauche a conclu en demandant, « à ce stade des orientations », que les seinomarins « ne soient pas la variable d’ajustement », et donc « de reconsidérer à la baisse les sommes mobilisées en faveur de l’accélération de notre désendettement pour allouer, à tous les secteurs qui le nécessitent, action sociale et éducation en tête, les moyens de répondre aux demandes et aux besoins exprimés par nos concitoyens. Car l’urgence sociale est surement plus importante à traiter que l’urgence à rembourser les banques. »
Au cours du débat, ont également été signalées les menaces qui pèsent sur le financement des livres pour les collégiens par l’Etat, une charge qui pourrait bien revenir aux départements, ou la baisse de la part reversée aux départements sur la Contribution sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) pour augmenter celle des régions.
Pour les élus socialistes par la voix notamment de Marie Le Vern, même constat sur le contenu « ou plutôt l’absence de contenu », du rapport, mais avec en prime quelques leçons de gestion déclamées sur un ton, disons… très particuliers. Des critiques étayées, mais sans réelle contre-proposition avancée.
Une intervention qui a fait bondir le Président du Département.
Enfin, Stéphane Barré est revenu à la charge pour obtenir réponse à sa proposition de stopper le programme de désendettement accéléré, argumentant que le Département est actuellement en dessous des critères de gestion que semble vouloir imposer le gouvernement aux collectivités dans le cadre de la contractualisation. Le Président lui a alors indiqué que les taux des impôts ne seraient pas augmentés… Une manière de renvoyer cette question au débat sur le budget… le mois prochain.
Pour télécharger l’intervention complète de Stéphane Barré : 3.01 – Interv SB – DOB