Le vice-président André Gautier a présenté, lors du Conseil départemental du 28 mars, une adaptation de la politique départementale en faveur de l’habitat et du logement, adoptée en 2016, afin de prendre en compte la récente loi ELAN votée par la majorité présidentielle et ses soutiens.
Pour le groupe communiste, Sophie Hervé a fait part de son dilemme « car comme point de départ, se trouve un rapport d’orientation de 2016, pour approuver une nouvelle politique départementale en faveur du logement et de l’habitat. Une politique fondée sur les solidarités sociales et territoriales que nous avions voté malgré quelques réserves. Sauf que le présent rapport vise essentiellement à nous adapter à une loi intervenue depuis et que nous ne partageons pas. Loin de là, puisque cette loi ELAN, nous l’avons combattu en la considérant, et nous ne sommes pas les seuls, comme néfaste pour le logement social ».
23 bailleurs sociaux actuellement en Seine-Maritime
Conséquence de la loi ELAN :
20 devront appartenir avant le 1er janvier 2021 à un groupe gérant plus de 12.000 logements |
Illustrations : « Une loi dangereuse car elle fragilise les bailleurs, priés de vendre les bijoux de famille pour financer leurs nouveaux programmes, ou tout simplement préserver leur équilibre financier. Dangereuse pour la mixité sociale, lorsqu’elle impose des surloyers, souvent aberrants au regard de la réalité des ressources de certains locataires jugés comme « trop riches » pour demeurer dans un logement social, ou quand elle permet de déroger aux obligations de mixité sociale prévues par les plans locaux d’urbanisme (PLU). Dangereuse pour les personnes à mobilité réduite en diminuant considérablement, de 100 % à 20 % malgré les besoins évidents, l’obligation de construire des logements accessibles à tous, au profit de logements évolutifs. Un terme qui raisonne comme un vœu pieux… Une loi qui force à la concentration des organismes HLM. Une loi qui baisse les obligations règlementaires sur les constructions, avec évidemment à l’arrivée un risque de perte de qualité. J’arrête là la liste est trop longue ».
Ventes de logements sociaux
Objectif de la loi ELAN :
Passer de 8.000 ventes annuelles
à 40.000 ventes |
D’où son dilemme : « Forcément, lorsque l’on prend connaissance de ces conséquences là sur le dispositif qui existait ici, nous ne pouvons décemment pas nous y associer. A moins que nous puissions constater, qu’au delà de la simple retranscription de cette mauvaise loi, notre collectivité s’engage à conforter ceux qu’elle fragilise en les contournant : les maires et leur commune ».
Et de s’en expliquer : « Avec cette loi, les maires n’ont plus le pouvoir de s’opposer à la vente de logements sociaux. Enfin, sauf ceux dont la commune se trouve en déficit de logements sociaux. Un comble ! Or, ce sont bien les communes qui ont rendu possible la construction de ces logements, y compris ceux qui désormais sont convoités. Elles sont intervenues financièrement dans les constructions, pour mobiliser des terrains ou dans l’aménagement des abords. Elles ont garanti des emprunts. Elles ont investi dans des équipements publics au service des locataires.
Le logement social repose d’abord sur une volonté communale, ou une absence d’ailleurs de volonté s’agissant de celles qui se refusent de se conformer à la loi SRU sur les 20 % minimum de logements sociaux. Et puis la commune demeure le premier garant de la cohésion sociale. Celle qui trinque d’abord lorsque cette cohésion est rompue. Et après tout ce travail, on veut se passer de leur avis ? On vient leur dire : nous allons vendre chez vous des logements sociaux et avec cet argent nous allons en construire ailleurs, et notamment dans des communes en déficit de logements sociaux ! Vous n’avez plus le droit d’accueillir de nouveaux logements sociaux, vous en avez assez, alors même que des milliers de demandes insatisfaites sont en souffrance. Ce n’est pas acceptable ! ».
Sophie Hervé a par conséquent proposé un amendement afin que dans la liste des critères retenus pour délivrer l’avis départemental sur chaque vente de logement, figure l’avis du maire de la commune concernée.
Même proposition, mais cette fois sans passer par un amendement puisque les modalités d’organisation de ce nouveau dispositif sont renvoyées devant la Commission permanente, pour que dans la gestion du nouveau contingent départemental de logements sociaux, les communes soient étroitement associées.
Alexis Ragache, pour le groupe socialiste, a été dans le même sens en insistant sur « la fragilisation du logement social et des bailleurs voulue par la loi ELAN ».
Stéphane Barré s’est d’abord réjoui que « les propositions portées par le groupe communiste en 2016 lors de l’adoption de ce dispositif départemental sont prises en compte aujourd’hui : L’intégration des copropriétés dégradées, comme Robespierre dans le quartier du Château-Blanc à Saint-Etienne-du-Rouvray, dans les financements conséquents que le Département consacre au programme de renouvellement urbain (ANRU) d’une part. Et d’autre part un soutien accru à la construction de logements en PLAI ».
Puis il a insisté sur l’importance de préserver la mixité sociale : « Nous le savons tous, sans mixité sociale, la cohésion sociale ne peut guère tenir longtemps. Sans elle, c’est la voie ouverte à la ghettoïsation, à la relégation sociale des populations les plus démunies. Sans elle, c’est la concentration explosive de situations explosives. Or, malgré les efforts déployés par le législateur à certaines époques visiblement révolues, je pense à la loi SRU, cette mixité reste fragile, imparfaite, instable. Et le contexte de crise économique et sociale que nous affrontons au quotidien n’explique pas tout. La loi ELAN porte atteinte à cette mixité sociale par bien des aspects. Mais à notre niveau, nous avons les moyens d’intervenir pour la soutenir et la préserver ».
« A travers la gestion de ce nouveau contingent départemental de réservation de logements sociaux, comme à travers notre implication dans l’élaboration des Conventions d’Utilité Sociale (CUS). Ou encore à travers l’avis à rendre sur les projets de vente de logements sociaux. Je souhaite m’assurer que ce souci de la mixité sociale est bien porté par la majorité départementale et que les outils que je viens de citer seront bien utilisés à cet effet.
Je ne voudrais pas que dans ce contingent, les jeunes bénéficiaires du dispositif Coloc76 ou de la Garantie Jeune soient concentrées sur certaines communes, par exemple celles qui accueillent des sites universitaires. Ou, à l’inverse, que les publics les plus fragiles au regard des difficultés d’insertion soient concentrés dans les communes socialement les plus audacieuses. On a déjà donné avec le contingent préfectoral. Et pour garantir une répartition équitable du contingent départemental, et donc préserver la mixité sociale, il suffit d’impliquer les maires et de gérer ce contingent en toute transparence. C’est ce que nous porterons comme proposition en Commission Permanente lorsque les modalités d’organisation du contingent départemental seront débattues ».
Alban Bruneau a quant à lui appelé « les maires à la plus grande vigilance. La loi ELAN lève les protections pour les plus fragiles, comme l’abaissement des obligations pour la construction de logements adaptés au handicap ou la création d’un bail mobilité par exemple. Et elle encourage la vente de logements sociaux avec le risque de doper encore un peu plus la spéculation immobilière. Or nous sommes nombreux à connaître, pour y être confrontés tous les jours, les demandes non satisfaites ou mal satisfaites de logements sociaux. La longueur des listes d’attente est là pour l’attester ».
Le vice-président André Gautier a répondu que « le sujet du rapport ce n’est pas le fond de la loi ELAN, mais la gestion de ses conséquences, son adaptation ici, même si nous sommes nombreux à partager les réserves et les inquiétudes que vous avez pu émettre ». Puis il a pris les engagements demandés par Stéphane Barré : « Oui il faut garantir la mixité sociale, nous y tenons. Et sur le contingent, oui il faut voir comment associer les communes ». Il a cependant souligné sur les demandes de logements non satisfaites, qu’il convenait « de les mettre en perspective avec la hauteur des vacances de logements qui existent ici et là, donc c’est bien l’évolution du stock, de la configuration des logements qu’il faut travailler ».
L’amendement de Sophie Hervé a ensuite été adopté à l’unanimité, le Département va donc recueillir l’avis du maire sur tout projet de vente de logement social sur sa commune.
Puis la délibération a été adoptée également à l’unanimité, chacun reconnaissant auparavant l’effort financier important du Département dans les programmes de renouvellement urbain.
Pour télécharger la délibération avant l’amendement déposé par le groupe communiste : Rapport du 28 Mars 2019-57-75
Pour télécharger l’intervention de Sophie Hervé : 1.03 – Politique de l’Habitat – SH
Pour télécharger l’intervention de Stéphane Barré : 1.03 – Politique de l’Habitat – SBA
Pour télécharger l’intervention d’Alban Bruneau : 1.03 – Politique de l’Habitat – AB