Au nom du groupe de la Gauche combative, communiste et républicaine, Christine Morel a réagi au contenu du rapport annuel obligatoire sur la situation dans les effectifs départementaux et sur les actions entreprises par la collectivité pour promouvoir l’égalité femmes/hommes et lutter contre les violences faites aux femmes, présenté et débattu en Conseil départemental du 22 février.
« Monsieur le Président, Chers Collègues,
Alors qu’en ce début d’année Gérard Larcher s’oppose à l’inscription de l’IVG dans la Constitution estimant que la Loi fondamentale « n’est pas un catalogue de droits sociaux et sociétaux », ce rapport qui nous ait présenté sur l’égalité Femmes/ Hommes aujourd’hui trouve encore plus son importance.
Il nous est précieux pour apprécier la réalité, mais aussi les évolutions, de la situation en matière d’égalité Femmes/Hommes, dans la société comme dans notre collectivité. Mais aussi pour évaluer les politiques publiques dans lesquels nous sommes investis, pour lutter contre le sexisme ordinaire, celui que l’on remarque à peine, jusqu’aux violences verbales ou physiques dont sont victimes les femmes.
Je tiens, d’abord, à vous remercier pour l’effort de présentation et les éléments exposés. Il est plaisant d’observer que vous avez su écouter et étudier quelques revendications que mon groupe vous a soumis depuis plusieurs années : je pense notamment à la nomination d’un déontologue en charge de cette problématique et au développement dans ce rapport de la question professionnelle.
Et il est vrai que les questions d’égalité entre les femmes et les hommes avancent en Seine-Maritime, notamment parce que les associations, les communes, les collectivités territoriales y travaillent sérieusement. C’est un travail collectif qu’il faut continuer de mener et les actions présentés dans la deuxième partie du rapport vont dans le bon sens même si nous devons toujours encore faire plus et mieux.
Concernant les agents du département, on observe que les femmes sont majoritaires dans les métiers moins voir peu valorisés. Cette surreprésentation des femmes est rendue évidente à la page 17 de ce rapport. La pandémie du Covid-19 avait pourtant mis sous le feu des projecteurs des secteurs essentiels jusqu’ici invisibilisés, voire dévalorisés.
Le secteur du soin – qui regroupe les métiers de la santé, de l’éducation, de l’aide à la personne, du travail social ou encore de la propreté – a été l’un des secteurs présent en première ligne de la crise. Dans ces métiers mal payés et souvent pénibles en raison des horaires atypiques et des rythmes de travail particulièrement soutenus, les femmes sont largement majoritaires.
Dans le film « Debout les femmes » de Gilles Perret, le fait que ces métiers soient durs, sous-payés et peu considérés est aussi révélateur de la valeur qu’on accorde au soin et aux liens, à celles qui les prennent en charge et aux plus fragiles de notre société.
Par ailleurs, en 2024, au Département, les hommes sont toujours mieux rémunérés que les femmes. Et c’est très parlant dans les filière administrative et technique :
- Pour la filière administrative, il y a un écart de 20% lorsqu’on est fonctionnaire et de 34,7% lorsqu’on est contractuel ;
- Et pour la filière technique, il y a un écart de 10,7% lorsqu’on est fonctionnaire, et de 46,1% lorsqu’on est contractuel.
En parallèle, l’analyse des modalités de temps de travail des agents sur emploi permanent selon le sexe fait ressortir de fortes disparités. Chez les femmes, 19,5 % occupent un emploi à temps partiel, la grande majorité suite à une maternité, contre 1,6% chez les hommes.
J’ai par ailleurs constaté que pour les formations aussi, proportionnellement les femmes en ont moins bénéficiées. En effet alors qu’elles représentent plus de 70% des effectifs du département seul 7,8% ont suivi des formations contre 4,1% des Hommes. Une analyse a-t-elle été menée pour comprendre cette inégalité afin d’y remédier ?
Pour lutter contre les inégalités de salaires entre les femmes et les hommes, nous devrions certainement réfléchir à la déprécarisation de certains métiers en s’attaquant à la question du temps partiel subi et des CDD qui concernent en majorité les femmes (je prends comme exemple des AESH qui est très parlant). Sans oublier les autres moyens d’action concrets qui existent pour améliorer la place des femmes, comme par exemple une augmentation significative du congé paternité.
Le dernier rapport d’Oxfam souligne qu’au sein du foyer, l’inégale répartition des tâches domestiques perdure encore et toujours et que trop souvent, les femmes sont renvoyées à leur rôle de mère. Elles sont incitées par les normes sociales à privilégier leur vie familiale au détriment de leur vie professionnelle. Vous l’avez certainement constaté, lors de rencontre non professionnelle, on demande souvent le métier exercé par un homme et pour une femme on lui parle de ses enfants.
Je pense aussi aux nombreuses mères de famille qui viennent dans nos permanences, souvent en pleure, car elles se retrouvent seules pour s’occuper de leur enfant en situation de handicap. En effet, les premières victimes des délais de traitement et des décisions de la MDPH sont les mamans. Ce sont elles qui souvent sont obligées de quitter leur emploi pour s’occuper de leur enfant.
Le Département a un rôle important à jouer dans la lutte contre la reproduction des stéréotypes et la perpétuation des inégalités, qu’elles soient sociales, psychologiques ou physiques, il y a urgence à régler le problème de la MDPH et de donner davantage de moyens aux agents qui souvent sont aussi des femmes.
Je pourrais aussi vous parler de l’augmentation du nombre de familles monoparentales, abordée page 31 du rapport, car souvent, comme cela est rappelé, se sont les femmes qui se retrouvent chef de famille, qui souvent arrête de travailler pour s’occuper de leurs enfants ou qui doivent prendre des temps partiels pour tout gérer. Je regrette que dans les indicateurs concernant nos agents, alors que cela est reconnu comme une situation souvent problématique pour les femmes, un focus n’est pas été prévu.
Enfin, en ce qui concerne le volet de la lutte contre les violences faites aux femmes, intrafamiliales, sexistes et sexuelles : ce rapport va dans la bonne direction, et nous devons continuer dans ce sens.
Néanmoins, comme l’avait relevé ma collègue Séverine Botte précédemment, le calvaire subi par les femmes âgées n’est toujours pas évoqué dans ce rapport. Au-delà de notre collectivité, ce sujet est un angle mort. En France, 21% des féminicides concernent les personnes du 3ème âge. Les agressions sur les femmes, souvent en situation de fragilité financière, peuvent durer toute une vie. On ne sait pas précisément, combien de femmes âgées sont victimes de violences. Après 70 ans, les femmes s’évaporent des recensements officiels. Les études sur le sujet ne les prennent tout simplement pas en compte. Au Canada, a été développé un réseau de maisons d’hébergement dont certaines sont adaptées pour recevoir des femmes victimes de violence y compris des femmes en perte d’autonomie.
En conclusion je dirais que nous allons dans le bon sens et ce rapport met indéniablement en avant une visée volontariste dans le cadre de la lutte contre les violences faites aux femmes, intrafamiliales, sexistes et sexuelles. Dans cette continuité, il devient urgent de travailler pour lutter contre le calvaire subi par les femmes âgées, car actuellement, aucune campagne de prévention ne s’adresse à ce public.
Je vous remercie. »
Pour télécharger l’intervention de Christine MOREL : Rapport égalité Femmes/Hommes – CM