Le débat de politique départementale que le groupe des élus de la Gauche combative, communiste et républicaine animait lors du Conseil départemental du 7 décembre, avait pris pour thème la nécessité d’assurer l’égalité des chances sur tous les territoires de Seine-Maritime pour continuer à la réussite éducative. C’est Séverine Botte qui l’a présenté et animé.
« Le gouvernement Macron s’était donné pour objectif d’instaurer l’école de la confiance, de développer l’école inclusive et d’augmenter l’attractivité du métier d’enseignant. Le Président de la République, le 24 juillet dernier, répétait, suivi par son nouveau ministre de l’éducation, qu’il y aurait « un professeur devant chaque classe à la rentrée ».
Une semaine après la rentrée scolaire, dans le second degré le constat est sans appel sur 500 établissements interrogés, il manque au moins un professeur dans près d’un collège et lycée sur deux.
Lorsque les pouvoirs publics parlent de confiance, les élèves, leurs parents, les équipes éducatives et enseignantes ressentent de la défiance. Ça c’est la réalité, la réalité qui fait vaciller l’Ecole démocratique, égalitaire et émancipatrice.
Une Institution qui a pourtant vocation à permettre à tous les élèves, de manière égalitaire, d’accomplir le parcours scolaire de leur choix. Aujourd’hui, l’Ecole, service public national, que ce soit dans le premier ou le second degré, n’est plus en capacité de corriger les inégalités, de dépasser les différences. Plus encore, elle est trop souvent un lieu d’inégalités, de démotivation, voire de violence.
Depuis des années, la France est l’un des pays d’Europe où l’origine sociale pèse le plus dans le parcours scolaire. L’ampleur des écarts sociaux entre établissements est apparue au grand jour suite à la publication des Indices de Position Sociale (IPS) par le ministère. Ces inégalités sociales, véritables ségrégations sociales, sont en partie liées à l’application de la carte scolaire et aux stratégies d’évitement des catégories aisées vers le privé.
Or, quand un élève entre dans son établissement scolaire, et quel qu’il soit, il devrait pouvoir être accompagné, écouté en fonction de ses besoins (santé, handicap, mal-être, difficultés sociales et familiales). La santé, la détresse, la faim sont autant de freins à la réussite scolaire. Il devrait effectivement pouvoir bénéficier d’un environnement accueillant et calme, d’enseignants et d’agents territoriaux, de professionnels de la santé en nombre suffisant…
Qui peut dire aujourd’hui que toutes ces nécessités sont couvertes ?
Côté Etat le compte n’y est pas.
Les deux années de hausse des crédits de la mission éducation ne sont pas suffisantes pour endiguer un désengagement budgétaire ancien. Il s’agit d’une dynamique de rattrapage qui intègre les revalorisations récentes et tant attendues du point d’indice. En réalité, le budget en euros “constants”, c’est-à-dire corrigé de l’inflation (estimée à 2,6%) n’est en hausse que de 2,4 Md€. Les crédits de la mission éducation ne permettent pas de répondre aux besoins des personnels qui subissent un déclassement salarial qui s’est creusé depuis plusieurs décennies. Ce budget acte la suppression de postes : pour un total de 2 826 suppressions en 2 ans.
Lesmétiers de l’éducation n’attirent plus, pour preuve la campagne de recrutement supplémentaire a dû être prolongée jusqu’en décembre 2023 faute de candidatures suffisantes. A force de précarisation, de dégradation de l’emploi statutaire, de dévalorisation des métiers et de fragilisation des droits, les compétences fuient l’Ecole.
Cette tendance n’épargne pas les personnels de santé et du médico-social. Nous, Département, nous devons entrer en résistance contre l’Etat pour qu’il dote les établissements d’infirmières, de psychologues et de travailleurs sociaux au lieu de tenter de renvoyer la pénurie sur les départements en transférant les personnels encore en poste. C’est une urgence car l’explosion du mal-être et des états dépressifs des élèves se fait dans un contexte de désertification médicale.
La réussite éducative passe également par une politique volontariste en matière d’inclusion. Capucine Lemaire, autrice et présidente de l’Observatoire des politiques du handicap déclare que« l’inclusion qui ne fonctionnerait pas en France, car trop onéreuse, est un leurre puisque l’école inclusive française n’existe pas encore ».
Le système des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) ne participe aucunement à la personnalisation des parcours des personnes en situation de handicap mais surtout au devoir de désinstitutionnalisation. La mutualisation avec les PIAL est une catastrophe, parce que les conditions de travail des AESH ont été dégradées par la multiplication du nombre d’élèves suivis et des lieux d’exercice.
A cela s’ajoute, l’absence d’une formation qui tienne compte des différents handicaps, l’absence de statut et de rémunération à la hauteur des missions de ces personnels précarisés. Comme rien de sérieux n’est mis en œuvre pour que l’école soit rendue vraiment inclusive, elle fait souffrir des enfants, qui n’y trouvent pas leur place.
Expérimentons dans notre département, un service public des AESH mis à disposition de l’Education nationale sur le temps scolaire, pour sécuriser les emplois, les doter d’un véritable statut.
Côté Département, certaines avancées doivent être mises au crédit de notre assemblée.
En ce qui concerne la dotation globale de fonctionnement des collèges publics, le retard pris sous l’ancien mandat par votre majorité est désormais globalement rattrapé et la dotation anti-inflation est appréciée.
Le dispositif bonus/malus sur les fonds de roulement a été assoupli et surtout mieux adapté. Il aura fallu 7 ans d’intervention pour être entendus. Le CRED (projets de réussite éducative) qui a été maintenu même s’il demeure des marges de progression, est une bonne chose et est apprécié.
Le plan pluri-annuel d’investissements sur les bâtiments intégrant des rénovations, des reconstructions (Plan Ambition Collèges) mérite un rythme plus soutenu. Des sujets demeurent comme la salle de restauration du collège Camus, le gymnase Pablo Picasso à Harfleur et Pablo Picasso à SER… La semaine dernière la ville de Oissel, les parents d’élèves et les enseignants ont une nouvelle fois alerté le département sur les travaux d’agrandissement du collège afin d’avoir une réponse claire sur les engagements pour la rentrée 2024.
Les inégalités sociales peuvent parfois toucher des domaines qui relèvent de l’intime, et l’Ecole, nous donne l’opportunité d’intervenir. Ainsi, la lutte contre la précarité menstruelle, avec la gratuité des protections menstruelles dans les collèges, suite à la proposition de notre groupe, est une avancée concrète pour toutes les collégiennes.
L’égalité des chances nécessite des efforts du département dans le domaine de l’aide sociale et solidaire. C’est la raison pour laquelle nous demandons un rétablissement des bourses aux collégiens avec un barème permettant aux salariés modestes de pouvoir y accéder. L’aide à la restauration (ACRI) doit être renforcée afin que des salariés modestes puissent également en disposer. Le Pass collégien sans condition de ressource rétabli sur l’année scolaire 2022/2023 en complément du Pass Jeunes 76, puis subitement arrêté sans débat et sans vote, doit être rétabli.
L’école de la réussite éducative et de l’égalité des chances devrait être un pléonasme, si la France n’avait pas renoncé à un grand service public de l’éducation, la privatisation des missions essentielles, si elle n’avait pas accepté la territorialisation scolaire des inégalités sociales.
Alors que la nouvelle carte de l’éducation prioritaire doit être dévoilée, avec à la clé la très probable généralisation des cités éducatives à tous les QPV, ce dispositif, qui n’a d’éducatif que le nom, n’octroie pas de moyens horaires d’enseignement supplémentaire mais constitue une manne financière pour les associations publiques ou privées qui s’y bousculent. Par conséquent, la proportion des établissements en QPV bénéficiant de DHG suffisante ne risque pas beaucoup d’augmenter puisque le financement de ces cités éducatives se fera encore et toujours à moyens constants. Et, pour pallier le manque de moyens, il ne faudra pas, encore, une fois compter sur les communes dont les finances sont exsangues.
Aujourd’hui, cette école de l’égalité des chances nécessite que les départements jouent pleinement leur rôle et mobilisent les moyens budgétaires et humains mais également qu’ils soient une force motrice pour que l’Etat assume ses missions régaliennes. »
Pour visionner l’intervention de Séverine BOTTE : Réussite éducative et égalité des chances vidéo – SB
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