La décentralisation ne doit pas être un moyen pour le pouvoir actuel de s’exonérer de ses échecs !

La décentralisation ne doit pas être un moyen pour le pouvoir actuel de s’exonérer de ses échecs !

Dans le cadre des débats de politique départementale organisés en début de séance du Conseil départemental du 7 décembre, le groupe de Droite a choisi de traiter de la question de la décentralisation. L’occasion pour les élus de la Gauche combative, communiste et républicaine de rappeler, par la voix de Nicolas Langlois, certains fondamentaux et de dénoncer aussi les logiques nocives que le président Macron cherche visiblement à lui assigner…

« Tout d’abord, j’observe que ce débat se tient partout. J’étais hier avec des maires et présidents d’interco de l’association « Villes de France » que l’on appelait villes moyennes avant, qui ont les mêmes débats que nous aujourd’hui sur la décentralisation. On a évoqué cela également entre nous samedi à l’occasion de l’assemblée des maires de Seine-Maritime. Et toutes les associations d’élus évoquent ce sujet-là.

Mais ce débat se tient dans un contexte de défiance. L’institut de sondages « Cluster 17 » a fait une étude sur la décentralisation, vous irez voir ce que ça donne, mais moi dans le fruit de leurs réflexions, je vois une grande appétence pour la décentralisation, même chez les habitants, mais comme un moyen de répondre à tous les échecs de l’Etat. Comme s’il suffisait de décentraliser pour répondre à tous les problèmes de notre société…

Il ne faudrait pas que cette décentralisation – même si quand ce président de la République commande des rapports, en général ils sont suivis de pas grand-chose, le rapport Borloo en est une illustration – il ne faudrait pas que ce nouvel acte de décentralisation auquel on va tous contribuer, en tout cas réfléchir,soit un accélérateur du délitement de la République, et une fausse solution aux vrais problèmes.

Il faut rappeler dans le cadre de ce débat, que la création des départements, c’est quand même le fruit de la Révolution Française, qu’ils datent de 1789, qu’ils ont structuré notre pays vers la République et vers notre République d’aujourd’hui, avec au cœur : l’égalité territoriale, l’équilibre entre la Ville ou les villes, et la Campagne ou les campagnes. Dans une France fracturée, je crois que cet enjeu demeure.

Et puis aussi un enjeu de citoyenneté, avec des habitants devenus citoyens, avec de plus en plus de droits, et une volonté de plus en plus forte aujourd’hui d’avoir des droits, de nouveaux droits, de les faire vivre, et d’agir au quotidien dans les décisions qui sont prises, et pas simplement au moment des élections.

Du coup, nos départements et nos communes avec, ont une légitimité historique, démocratique, que n’ont pas toutes les strates. Contrairement aux métropoles qui ont été décidées par un président de la République un peu tout seul, sans vrai débat ; Contrairement aussi à la fusion-acquisition des grandes régions, décidée par un président de la République un peu tout seul, et qui rappellent, je me suis procuré la carte de France de 1483 à 1559, les grandes régions actuelles peuvent ressembler à cela.

Ça rappelle un peu les grands duchés qui mettent au bout du compte les territoires et les habitants en concurrence, et les interco à marche forcée.

Pas toutes les interco, il y a plein de maires, d’élus qui font vivre les interco intelligemment, mais les interco à marche forcée sont aussi le résultat de cet état d’esprit là, et qu’en fait, derrière, on a une organisation libérale de la France, des territoires et des institutions avec une mise en concurrence exacerbée des habitants.

Rappeler cela, à notre avis, c’est affirmer que la décentralisation doit reposer avant tout sur un projet de société, un projet humain. Et doit être, à la fois, une réponse aux problèmes du quotidien des habitants et aux grands enjeux des solidarités humaines, des solidarités territoriales, évidemment, mais aussi aux grands enjeux d’accès à l’emploi, de démocratie, de limitation et d’adaptation au changement climatique, au réchauffement climatique.

Cette nouvelle décentralisation, et donc l’avenir des départements, ne doit pas à notre avis être synonyme d’une « République à la carte », avec son lot d’inégalités à la clé. Elle ne doit pas être non plus, un moyen simplement pour le pouvoir actuel de s’exonérer de ses échecs.

Un exemple ? La décentralisation de la politique du logement. Tout le monde est d’accord pour dire que c’est un grand échec, et que la situation va être pire dans un an ? Deux ans ? Trois ans ? Si demain les collectivités locales, peut-être les communes, peut-être les départements, ont l’entièreté de la compétence logement. Alors ils supporteront la situation dans laquelle se trouve les habitants. C’est trop simple et injuste d’aborder la décentralisation comme un moyen de refiler la « patate chaude » aux autres.

Ensuite, la décentralisation ça évoque évidemment la question des moyens financiers. Or depuis 2010 nous avons perdu 70 Milliards d’euros dans nos collectivités, et je ne parle même pas de la perte de notre capacité à créer de la fiscalité et à gérer de la fiscalité. Nous avons perdu 70 Milliards de moyens d’agir et aussi l’autonomie fiscale.

Mais ce sont aussi les moyens de l’Etat, les moyens humains, dans ses services déconcentrés, dans ses sous-préfectures où l’on constate au quotidien que pour mener des projets on a besoin d’un Etat, et notre groupe est attaché à l’Etat, à sa capacité à organiser le territoire. Mais quand l’Etat n’a plus de moyens humains ou a de moins en moins de compétences dans les territoires, c’est la décentralisation qui est abimée et nos capacités à agir avec.

Et puis il y a aussi, et ça je le dis aux collègues de la majorité de droite davantage qu’aux autres, un défi pour nous à dire ce que l’on veut faire et de se positionner avec volontarisme, là où les habitants peuvent avoir l’impression légitimement d’être démunis.

Je prends deux exemples, mais je pourrais en prendre plein. Sur les questions de santé, nous y revenons à chaque Conseil, l’enjeu de la démographie médicale, l’enjeu des solidarités territoriales, il y a l’enjeu des hôpitaux à former en proximité si on y est attaché et je crois que notre département n’y est pas, ou encore les enjeux de jeunesse.

On a une jeunesse qui se paupérise, qui se précarise, avec des inégalités initiales, sociales, culturelles, qui dans le bagage des jeunes pèsent de plus en plus tôt dans leur développement personnel.

Et qu’en refusant de travailler à une allocation d’autonomie par exemple, nous ne donnons pas les signes d’un Département qui se positionne sur de nouveaux enjeux et qui pourrait donner du corps à une nouvelle décentralisation.

Et, pour terminer, la décentralisation, même contemporaine ces 40 dernières années, s’est toujours faite à la fois dans le dialogue et aussi avec un rapport de forces fort à établir avec le pouvoir central, avec l’Etat, pour se faire respecter. »

Pour télécharger l’intervention de Nicolas LANGLOIS : Décentralisation  – NL

Sébastien

Les commentaires sont fermés.