Inacceptable ! C’est le cri d’alerte des élus de la Gauche combative à la lecture de la proposition de la Droite départementale qui, sous couvert de fixer désormais un tarif unique de restauration dans tous les collèges publics, va faire subir aux familles de 28 collèges, la plupart sur des territoires où la population est plus modeste qu’ailleurs, une augmentation des tarifs de cantine en pleine crise du pouvoir d’achat.
Notamment par la voix de Christine Morel, le groupe de la Gauche combative s’est opposé à ce projet en Conseil départemental du 12 octobre, allant jusqu’à déposer un amendement à la délibération pour que le tarif unique soit fixé à partir du tarif le plus bas pratiqué par les collèges actuellement.
« Monsieur le Président, Chers Collègues,
Bien qu’encadrés annuellement par délibération de notre Conseil, les tarifs de restauration étaient fixés, par établissement, sur proposition des Conseils d’administration, avant notre décision de geler ces tarifs pour protéger les familles contre la forte hausse des prix des denrées alimentaires depuis deux ans.
Aujourd’hui, vous nous proposez de centraliser tout en fixant un tarif unique applicable dans tous les collèges publics.
Nous sommes réservés sur cette démarche parce qu’elle induit une nouvelle perte d’autonomie dans la gestion des établissements. Mais surtout parce que les tarifs différenciés permettaient aux établissements de prendre en compte la réalité sociale des familles et leur capacité contributive.
Ceci étant, et au regard de l’état des tarifs en vigueur aujourd’hui, force est de reconnaitre que ces tarifs sont parfois difficilement lisibles et que les différences ne sont pas expliquées uniquement par la situation sociale des familles.
On peut, par exemple, payer dans une même ville des tarifs différents qui ne tiennent d’ailleurs pas compte du tout du niveau de vie des familles. Ainsi, on paie actuellement moins cher à Raoul Dufy, dans l’hypercentre du Havre qu’à Eugène Varlin à Caucriauville, quartier prioritaire de ville de la même commune, situé sur mon canton.
Alors que la délibération qui nous est présentée aborde et s’empare d’objectifs louables que nous ne manquons pas de saluer, et que d’ailleurs, beaucoup d’entre nous mettons en œuvre dans nos communes au profit des cantiniers de nos écoles, je parle par exemple des démarches en circuit court et de l’amélioration de la qualité alimentaire, celle-ci dévie lorsqu’elle aborde les questions de solidarité.
La délibération affirme en effet que le nouveau système offre, je cite, « plus de solidarité envers les familles », avec l’objectif cité lui aussi de « ne pas faire supporter aux familles un coût supérieur qui viendrait alimenter la spirale inflationniste et peser sur leur budget ». Je suis navrée de devoir le dire, mais c’est totalement le contraire qui nous est proposé. Il y a une contradiction entre l’objectif affiché et le niveau d’harmonisation proposée.
Parce que pour près d’un tiers des collèges, le tarif unique proposé viendrait bel et bien « faire supporter aux familles un coût supérieur qui viendrait alimenter la spirale inflationniste et peser sur leur budget »…
Si les tarifs des autres départements nous sont rappelés à titre d’exemple comme pour souligner un effort de solidarité territorial, il faudrait pouvoir le mettre en relation avec les réalités économiques et sociales du territoire. Le Département de Seine maritime, si l’on exclut le département de l’Orne, est le département le plus pauvre de Normandie avec un taux de pauvreté de 14,8 soit entre deux et trois points supérieurs aux autres départements. Ça permet grandement de relativiser les choses et cela questionne sur la comparaison présentée en dehors de tout contexte social, pourtant au cœur des missions du Département.
Si l’on se concentre sur le seul territoire seinomarin, là encore, force est de constater que cette augmentation ne tient pas compte des disparités du territoire.
Certains collèges situés dans des communes où la population dispose d’un revenu supérieur à la moyenne verraient leur tarif de cantine baisser, alors que dans des communes où les habitants ont moins de ressources et sont plus exposés aux difficultés liées au pouvoir d’achat, les tarifs de cantine augmenteraient. Parfois de 20% !
C’est le cas à Dieppe ou encore, pour la commune que je connais bien, à Harfleur puisque le tarif de cantine y passerait de 2,80 à 3 euros. Il suffit d’observer le potentiel fiscal des habitants par commune et d’y rapporter les baisses et les hausses des tarifs de cantine pour constater qu’il n’existe aucune logique, du moins, solidaire qui sous-tend cette délibération.
Non, je vous le dis, l’argument d’une solidarité territoriale ne tient tout simplement pas car il ne répond pas à l’objectif visé qui est celui de faire en sorte que le budget des familles, de toutes les familles, soit épargné.
La seule façon d’obtenir un traitement réellement équitable, c’est celui qui consiste à faire baisser le tarif pour TOUTES les familles et donc à l’indexer sur le tarif de restauration le plus bas, soit celui actuellement pratiqué au collège Courbet à Gonfreville l’Orcher fixé à 2,57 euros. C’est ce que nous proposons dans l’amendement que nous vous soumettons. Et c’est à cette seule condition que nous pourrons respecter l’objectif d’un soulagement du budget de l’ensemble des familles du territoire.
J’ajouterai également que nous ne concevons pas cette délibération de la même façon. Alors que le leitmotiv de cette délibération est le mot, justement, d’équité évoqué à de nombreuses reprises. Nous soutenons qu’il faut au contraire, d’avantage d’égalité.
C’est le sens de notre intervention de ce matin, c’est cette même égalité qui nous pousse à inviter le Conseil départemental à réfléchir à la création d’une quatrième tranche pour l’ACRI, l’aide à la restauration, afin que des salariés modestes puissent également en disposer, à hauteur d’une prise en charge par le Département de 20% du coût de leur facture de restauration.
Actuellement l’ACRI comporte 3 tranches pour des prises en charge de la facture, à hauteur de 40%, 60% et 90% selon les ressources des familles.
Mais sous sa forme actuelle, que d’ailleurs vous ne proposez pas de faire évoluer malgré les augmentations de tarifs que vous souhaitez, l’ACRI ne concerne que 17% des collégiens.
Nous aurons d’ailleurs à ce sujet, un double travail, puisqu’il sera nécessaire que chacun connaisse ses droits mais surtout, en bénéficie réellement, là où parfois, celles et ceux qui n’en n’ont pas eu besoin auparavant vivent le fait de devoir y faire appel comme une honte. Je pense à toutes celles et tous ceux qui se situent à la lisière des aides sociales et qui, par l’ampleur inédite de la situation sociale, se retrouvent contraints à y faire appel. Un argument qui vient d’ailleurs appuyer l’utilité d’indexer le tarif de cantine sur le tarif le plus bas.
C’est pourquoi, nous ne voterons cette délibération qu’à la condition qu’elle tienne compte de l’amendement proposé relatif au montant du tarif unique. Quant à l’ACRI, nous attendons votre précision sur vos intentions dans ce domaine. »*
Pour bien insister sur les enjeux de cette délibération, Nicolas Langlois a rappelé, chiffres à l’appui, que « les familles les plus modestes de Seine-Maritime, par l’augmentation de leur tarif de cantine, vont financer les baisses du tarif pour les familles aux ressources les plus fortes… Où est la notion d’équité ? Dans quelques années nous en mesurerons les effets, vous essayerez alors de les corriger, et nous on se dira qu’on a eu raison d’insister… mais pendant tout ce temps les familles les plus modestes vont subir en plein crise du pouvoir d’achat une forte hausse de leur facture de cantine ».
Des arguments qui n’ont pas été entendus par une Droite affirmant prendre ainsi une « mesure courageuse »… et rappelant que les contenus des assiettes seront meilleurs.
L’amendement présenté par le groupe de la Gauche combative a été rejeté, la Droite s’y étant opposée et les autres groupes s’étant abstenus.
La délibération a ensuite été adoptée uniquement par les voix du groupe de Droite.
Pour télécharger l’intervention de Christine MOREL : Tarif unique restauration 2024 – CM
Pour télécharger le rapport de séance et ses conséquences par collège : Tarif unique restauration 2024 – Rapport
Pour télécharger l’amendement défendu Christine MOREL : Tarif unique restauration 2024 – Amendement