Au cours des débats de politique départementale qu’ont animé successivement chaque groupe du Conseil départemental lors de la séance du 22 juin, le groupe de la Gauche combative, communiste et républicaine a choisi le thème de logement. Nicolas Langlois a avancé diverses propositions pour remédier à la crise du logement qui constitue, après la santé et la démographie médicale, un nouveau scandale provoqué par les politiques libérales.
« La loi ELAN promulguée en novembre 2018 par le gouvernement Macron/Philippe, portait sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. Aujourd’hui, force est de constater qu’elle est loin d’avoir donné un nouvel ELAN au logement social. Si la situation n’était pas aussi dramatique pour des millions de Français, ce titre marketing prêterait à rire, mais c’est sans compter sur les contradictions flagrantes qu’elle comporte.
Merci Mr Macron pour votre absence d’ambition dans le secteur du logement et celui du logement social en particulier !
Cette loi proposait de retenir 3 objectifs pour le logement en France :
- Le premier : Construire plus de logements… Or, il manque toujours un peu plus d’1 million de logements en France. La Fédération des Promoteurs Immobiliers considère qu’il faudrait en construire environ 500.000 par an, dont 400.000 pour répondre aux besoins annuels et 100.000 par an sur 10 ans pour rattraper le retard. 380.000 seulement sur une année ont été commencés en 2022 et ce n’est pas la hausse des taux bancaires ou celle des matériaux qui améliore la situation.
Construire plus de logements sociaux pour le secteur des HLM est aussi devenu très difficile. Avec la ponction opérée par l’état sur leur autofinancement, les bailleurs sociaux sont asphyxiés alors même qu’ils doivent construire et rénover leur parc de logements existants dans le même temps. Cette ponction devait être compensée par la vente de 40.000 logements sociaux par an, mais, ce faisant, cela prive ces bailleurs de recettes de loyers ! Complétement contradictoire ! Cherchez l’erreur … En plus, C’est souvent la partie la plus attractive de leur patrimoine qui est vendue limitant de fait le parcours résidentiel des ménages du parc social.
- Le deuxième objectif : restructurer et renforcer le secteur du logement social. Restructurer au sens de l’état, cela veut dire faire fusionner ou se regrouper les structures HLM pour supprimer des postes. Ces économies d’échelle, comme dirait un bon libéral, permettent de justifier la réduction du loyer de solidarité compensant la baisse des aides aux logements, les APL. Cette mesure coûte cher aux bailleurs sociaux, confrontés aussi à la hausse des taux d’emprunt indexés sur ceux du livret A.
De toute façon, ça fait des emplois en moins et des augmentations de loyers en plus pour les ménages. C’est ça renforcer le logement social ? Nouvelle contradiction !
- Troisième objectif : Répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale. Quelques chiffres pour illustrer cet objectif contradictoire avec la réalité des décisions et leurs conséquences :
3,8 millions de personnes souffrent de mal-logement ou d’absence de logement personnel… (Fondation Abbé Pierre)
2,4 millions de ménages attendaient un logement social fin 2022, c’est 400 000 de plus qu’en 2016 : un record !
3 millions de logements restent vacants par manque d’attractivité et de moyens pour les rénover.
Le taux de rotation des logements sociaux est au plus bas et décourage beaucoup de personnes qui abandonnent leur demande au regard des délais d’attente souvent trop longs et rédhibitoires.
En ce qui concerne la mixité sociale, le maintien du surloyer pour les personnes qui dépassent légèrement les plafonds de ressources contribuent à les éloigner du parc social où cette mixité est recherchée.
Pour les personnes en situation de handicap, le taux de logements adaptés est passé de 100% à 10% avec la loi ELAN avant de remonter timidement à 20% en 2019, est-ce cela répondre aux besoins de chacun ? Encore une contradiction…
Après des années de déni gouvernemental, notre pays connaît une crise du logement inédite, aussi profonde que la crise de l’hôpital.
La France de tous propriétaires, chère à Nicolas Sarkozy, ne fonctionne pas et le secteur du logement privé est aussi en crise. Pour le servir et augmenter les profits dans ce secteur, l’État a sacrifié le logement social en France, mais cela ne suffit visiblement plus… Marché libéral, tu es bien ingrat !! Résultat des courses :
- Les prix du logement ont doublé en 20 ans ;
- Dans des villes qui connaissent une attractivité touristique, les habitants ne peuvent plus trouver de logement adapté à leurs ressources et s’excentrent en devant assumer des coûts de transport ;
- La construction est en chute libre ;
Tout ceci a contribué à fabriquer des inégalités sociales et territoriales qui se sont considérablement accrues.
Et les premières victimes de ce marasme sont les personnes à revenus modestes, les jeunes, les retraités, ou encore les sans-emplois.
La situation est devenue tellement urgente que chacun espérait un « électrochoc » dans les annonces gouvernementales suite au Conseil National de Refondation consacré au logement, ce fameux CNR frelaté… Finalement, comme d’habitude, cette démarche accouche de mesurettes qui déçoivent tout le monde, ainsi que de slogans de type : « choc de l’offre » ou « conférence des parties », totalement inopérants.
Le Président de l’Union sociale pour l’habitat qui fédère des bailleurs sociaux dénonce « un vrai décalage entre le discours offensif du gouvernement et les mesures proposées ». Bienvenue en Macronie.
Alors et nous ? Que faisons-nous ? Allons-nous continuer à inscrire notre action départementale docilement dans le sillon d’un gouvernement qui, au regard unanime de tous les acteurs du logement fait fausse route ? Ou allons-nous prendre les choses en main ?
Il y a urgence à agir parce que ces mauvaises politiques maltraitent une part croissante de nos concitoyens qui n’ont d’autres choix que de se tourner vers nos services de solidarité, et encore… pour ceux qui le font et qui ne sont pas totalement isolés ou en dehors de tous les radars.
La semaine dernière, un de nos CCAS a appelé le SIAO, le service intégré d’accueil et d’orientation institutionnalisé par la loi de 2014 portant sur l’accès au logement… Il venait chercher une solution d’hébergement pour une dame qu’il suivait et qui dormait chaque soir sur un banc dans un parc.
Rien n’a pu être proposé, le S.I.A.O. ne pouvant prendre en charge que les situations les plus urgentes : violences intrafamiliales ou présence d’un enfant de moins de 6 mois.
Voilà où nous en sommes.
Dans ce contexte, il faut bien sur cesser cette connivence départementale avec des mauvaises orientations gouvernementales, mais il faut aussi agir de manière beaucoup plus forte pour contribuer à remédier à cette crise du logement.
A la lecture de notre Compte Administratif que nous avons examiné, une donnée est malheureusement édifiante : la politique de l’habitat détient l’un des taux de réalisation budgétaire les plus bas avec 72%, c’est-à-dire que 28% des dépenses inscrites n’ont pas été consommés.
Et je ne reviens pas sur l’effondrement du FSL, le Fonds de Solidarité Logement beaucoup trop restreint et qui fait l’objet d’une réforme en cours de discussion.
Agir avec audace et volontarisme face à la crise du logement, c’est agir à travers les leviers que nous maitrisons, donc dans le parc social, contre l’augmentation des loyers en période de forte inflation.
C’est arrêter de vendre des logements tant que des constructions nouvelles ne viennent pas augmenter le stock disponible.
C’est inciter à généraliser le permis de louer.
C’est demander l’augmentation des aides à la pierre.
C’est accompagner beaucoup plus fortement les propriétaires bailleurs dans la rénovation de leur logement pour les remettre en location, avec les aides de l’Agence Nationale de l’Amélioration de l’Habitat.
C’est créer un système de captation des logements privés vacants, au bénéfice de notre office public Habitat 76 afin de les rénover et de les louer en locatif social.
Concernant la politique de développement de l’habitat privé, nous redisons qu’il y a nécessité de trouver un équilibre territorial départemental entre les différents statuts de logements entre les bourgs, villes moyennes et les métropoles. Et agir pour préserver les offres en logement principal face aux changements d’affectation de type résidences secondaires ou AirBnB.
Dans le cadre de l’objectif du zéro artificialisation nette qui va nécessairement renchérir le coût du foncier, notre département doit se doter d’une véritable stratégie foncière pour ce développement territorial équilibré de l’habitat.
Enfin, et ce n’est pas anecdotique, Habitat76 doit cesser de vouloir appliquer de manière zélée ce que permet certes la loi mais sans obligation, en chassant de leur logement des locataires en situation de sous-occupation.
Quitter son logement pour un logement plus petit, mieux adapté, parce qu’au fil du temps la composition du foyer change, peut avoir du sens. Cela peut même être gagnant-gagnant. Mais à condition que cela repose sur l’incitation, pas sur l’obligation.
Et Habitat 76 doit arrêter de vendre des pavillons locatifs sociaux dans des communes rurales qui voient ainsi s’effondrer leur taux de logements sociaux.
Il y a urgence à agir pour le logement en France et en Seine-Maritime en particulier ».
Des constats sur la politique nationale que partage le Vice-président en charge de l’Habitat mais qui s’est défendu de les appliquer en Seine-Maritime, en énonçant ce que le Département met en place pour remédier à cette crise.
Pour télécharger l’intervention de Nicolas LANGLOIS : DPD crise du logement – NL