Prévention et protection de l’enfance : Maryline Fournier porte la voix et les revendications des travailleurs sociaux

Prévention et protection de l’enfance : Maryline Fournier porte la voix et les revendications des travailleurs sociaux

Alors que le Conseil départemental débattait, le 9 février, de ses orientations budgétaires 2023, les personnels de l’IDEFHI étaient de nouveau mobilisés pour exiger des revalorisations salariales amplement méritées, ainsi que l’amélioration des conditions d’accueil et d’accompagnement des usagers.

C’est justement sur ces questions, et plus généralement sur la prévention et la protection de l’enfance que Maryline Fournier tenait à s’exprimer. Elle a ainsi porté la voix des travailleurs sociaux, comme leurs revendications dans un secteur sensible et ô combien important qui est en souffrance depuis des années.

« Dans la foulée des rencontres relatives à la prévention et à la protection de l’enfance qui se sont déroulées le 27 janvier dernier, il était attendu que les orientations budgétaires de notre collectivité affichent dans leurs priorités une volonté d’améliorer les politiques de prévention et de protection.

C’est devenu indispensable. Après des années de mauvaises orientations et je ne parle pas ici que du Département, il est en effet nécessaire que la protection de l’enfance devienne une réalité partout et pour tous ceux qui en ont besoin.

« La protection de l’enfance vise à garantir la prise en charge des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation ». Telle est la mission assignée aux pouvoirs publics, au premier rang desquels figurent les départements.

Il me parait nécessaire et fondamental que les services de la PMI puissent intervenir suffisamment tôt car si on se réfère au rapport de 2020 de la commission d’experts présidée par Boris Cyrulnik, ce sont les mille premiers jours qui comptent, ce concept scientifique met en évidence cette période clef pour le développement de l’enfant.

Pour cette politique, Monsieur le Président, vous avez annoncé le 27 janvier dernier, devant la secrétaire d’Etat auprès de la Première Ministre chargée de l’Enfance, un budget de 220 millions d’euros, j’ose espérer qu’il ne sera pas revu à la baisse.

Dans notre société où les familles sont confrontées à de multiples difficultés, aux crises successives, force est de constater que la protection de l’enfance était trop souvent délaissée. Il est à noter une croissance des violences intrafamiliales depuis la crise Covid, et je sais que cela a été une priorité dans les missions du Département en 2022. Cependant, il est prépondérant de renforcer les objectifs entre les dispositifs VIF et ASE.

Les réponses adaptées aux besoins des enfants et de leurs parents prennent trop de temps. Le réseau de proximité des CMPP (centres médico-psychologique) a été réduit à peau de chagrin occasionnant des mois d’attente avant une prise en charge.

Les capacités d’accès à un accompagnement pluridisciplinaire et à des soins psychiques dans les institutions médico-sociales diminuent.

Sur le volet prévention, la prévention spécialisée qui jouait un rôle moteur de prévention de la maltraitance et de soutien aux familles en difficulté a vu ses budgets réduits de moitié, comme du reste ceux de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

Sans doute le résultat d’une orientation où le répressif prenait le pas sur l’éducatif, l’accès à la découverte, la culture, le sport… Etc… Alors même que ces aspects sont fondamentaux : un enfant ou un jeune est en développement, en apprentissage au monde des responsabilités et de la citoyenneté.

Cette austérité budgétaire qui touchait la protection de l’enfance, le manque d’effectif, le manque de dispositifs, de solutions d’hébergement ou d’accompagnement s’est accompagnée d’une doctrine du contrôle, du chiffre, rognant sur la dimension humaine et émancipatrice de l’accompagnement éducatif. Comment s’étonner alors de la perte de sens, d’attractivité de ces métiers ?

La surcapacité d’accueil dans les services d’accueils d’urgence et dans beaucoup de MECS (Maison d’enfants à caractère social) de l’IDEFHI ont créé des mélanges explosifs où nombre d’enfants et de jeunes se trouvent en insécurité avec des impacts négatifs sur son adhésion et celle de sa famille aux placements et au projet d’accompagnement. Est-ce la raison pour laquelle, à ce jour, 220 mesures de placements ne sont pas exécutées ?

Les MECS de l’IDEFHI ont chacunes des lits d’urgence qui sont pourvus. Normalement réservés à un accueil d’urgence, donc le soir ou le week-end, qui ne sont pas amenés à rester sur place mais à très vite être orientés là où il y a de la place. Or ce n’est plus du tout le cas depuis l’après confinement.

Seul le service public est à ce niveau-là de difficulté, car pour le privé non lucratif, les structures sont tous pleines, mais ne font pas d’accueil d’urgence et n’accueillent pas en surcapacité ou tout du moins rarement.

Nous constatons également un manque de familles d’accueil avec des démissions et des difficultés pour remplacer celles qui partent à la retraite. Un manque de soutien éducatif est pointé. La question de leur revenu est aussi à questionner comme d’ailleurs le souligne le rapport d’orientations budgétaires.

Des jeunes de l’ASE (Aide sociale à l’enfance) continuent d’être livrés à eux-mêmes dès leur majorité perdant tout accompagnement. Les institutions de protection de l’enfance sont plus en grande difficulté. Les travailleurs sociaux font au mieux sans être reconnus dans leur engagement…

Il y a beaucoup de souffrance dans les services de milieu ouvert que ce soit pour ceux qui s’occupent de mesures AEMO ou de SMD. Il y a trop de suivi pour chaque éducateur pris par l’administratif au détriment du temps d’accompagnement avec les bénéficiaires.

Depuis des années, le secteur médico-social, comme les secteurs social et hospitalier, est soumis aux politiques de réduction de moyens humains et financiers. Cette pénurie, délibérément organisée, découle d’une conception économique de mise en concurrence qui n’a pas sa place ici. Elle aboutit à ce que de très nombreux enfants et adolescents soient privés de soins pluridisciplinaires.

Il est plus que temps que tout cela change !

La loi Taquet affiche de belles ambitions, mais où sont les moyens nécessaires à la mise à l’abri et à l’accompagnement des enfants et des jeunes en difficulté ?

Dans notre Département, il faut à la fois renforcer ces moyens (recrutements, nombre de places, diversification des solutions d’accueil…) mais aussi redonner de l’attractivité aux métiers du secteur.

Quant aux agents des services médico-sociaux du département, ils sont les meilleurs experts de leur travail. Il convient de les écouter et de les faire participer aux réflexions sur la protection de l’enfance en Seine-Maritime.

Si des employés de l’IDEFHI manifestent aujourd’hui, c’est bien pour exprimer leur mal-être et l’inadéquation entre la volonté de mener à bien les missions qui leur sont confiées et les moyens dont ils disposent.

Ne voyez pas dans cette intervention construite avec le concours des témoignages de travailleurs sociaux, une critique tous azimut de la partie du rapport d’orientations budgétaires qui lui est consacrée.

Il y a des choses intéressantes qui sont avancées en particulier en faveur des assistants familiaux. Et nous avons bien noté votre engagement pour un accroissement sensible des budgets mobilisés.

Cependant, si j’ai souhaité prendre le temps de m’arrêter sur chacun des aspects qui minent actuellement ce secteur ô combien important, c’est parce qu’à la lecture de votre chapitre, je constate que de nombreux aspects ne sont pas évoqués.

Mais surtout, il manque l’analyse du pourquoi ? Pourquoi nous en sommes arrivés là ? C’est ce que j’ai voulu aussi expliquer à travers mon intervention.

Je crois que nous aurons prochainement l’occasion d’y revenir ».

Le Président du Conseil départemental, visiblement vexé, a vu dans cette intervention une mise en cause injuste de l’action du Département et du travail quotidien des travailleurs sociaux de la collectivité, comme de ceux des établissements et associations oeuvrant dans le champ de la protection de l’enfance. Il a rappelé l’engagement fort du Département et la hausse des budgets mobilisés… En revanche, il n’a pas contesté les constats dressés, et aucunement évoqué les raisons pour lesquelles la situation s’est à ce point dégradée…

Pour télécharger l’intervention de Maryline FOURNIER : DOB 2023 – Protection Enfance – MF

Sébastien

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