Le Conseil départemental du 9 décembre examinait les nouvelles orientations du Département pour les coopérations internationales qu’il développe. Christine Morel a soutenu, non sans avoir mis en garde contre toute dérive qui consisterait à oublier qu’en la matière, nul ne peut anticiper ou penser à la place de l’autre, les besoins de celui-ci, tout comme leur priorisation.
« Le rapport qui nous est présenté concernant la politique de coopération internationale reprend bien les différentes actions que nous avons menées auprès des différentes régions du monde avec lesquelles nous sommes jumelées.
Le rapport se propose de recomposer les orientations stratégiques de notre Département en matière de relations internationales. Il recentre les missions du département autour de deux axes stratégiques que sont d’une part la mise en concordance des actions avec ses propres compétences, et d’autre part, la valorisation du Département à l’échelle internationale.
On ne peut qu’être d’accord avec l’idée de mieux utiliser les compétences où le Département dispose d’une réelle qualification. Malgré tout, il semble réducteur de ne voir les relations internationales que si elles sont liées uniquement aux compétences du Département.
Si je prends par exemple nos actions au Burkina Faso, les besoins concernant l’eau et l’assainissement étaient criants et le travail engagé par mon prédécesseur François Guégan, les services et les associations ont eu des résultats plus que satisfaisants. On ne peut que le reconnaitre. Or, l’eau et l’assainissement n’ont jamais été une compétence du département.
Malheureusement, force est de constater que les initiatives locales, notamment parmi les plus anciennes, peinent à perdurer dans le temps, surtout quand la situation politique d’un pays varie et change brutalement. On voit bien que nos associations locales se retrouvent parfois démunies, sans interlocuteurs ; une forme de canalisation de l’action sur le territoire du département est une réponse à ce genre de questions et permet de maintenir aujourd’hui encore des actions.
Toutefois, je pense que pour être voté avec pleine satisfaction, ce rapport d’orientation ne doit pas s’émanciper des principes qui fondent notre conception de la solidarité internationale en Seine Maritime.
S’il y a bien un domaine où l’on ne peut se passer de principes c’est bien celui-là. Car il ne s’agit pas seulement de gérer un secteur, mais bien de penser notre rapport au monde en tant que citoyen.
C’est pourquoi je regrette que certains principes ne soient pas écrits dans le rapport. Ils pourront peut-être couler de source pour certains, mais je pense qu’il est toujours bon de les faire figurer, surtout au sein de documents faisant foi.
Le premier principe est avant tout celui d’éviter toute forme d’ethnocentrisme que l’on peut décliner en européocentrisme ou plus largement encore en occidentalocentrisme.
C’est un principe fondamental car il nous oblige à prendre en compte la situation sociale, économique et culturelle d’un pays et de ses régions. Il s’agit d’éviter de plaquer des actions toutes faites sans tenir compte du contexte dans lequel elle se trouve.
Il s’agit aussi d’éviter de s’enfermer dans la projection de nos urgences là où elles ne sont pas les mêmes ailleurs ou qu’elles ne sont pas partagées de la même manière. Le développement durable s’entend-il de la même façon au Liban qu’en Europe ? Et les préoccupations d’un pays qui subit la guerre peuvent-elles entrer dans un cadre trop normé sans devenir une entrave à l’aide que nous souhaitons apporter aux populations avec lesquelles nous entretenons une solidarité ?
La question, par exemple, de l’évaluation des projets, si elle doit nécessairement être posée, ne peut, ne doit pas se départir de ce besoin d’être recontextualisée. On n’évalue pas une action internationale comme on évalue des actions locales qui ont lieu dans un espace culturel partagé.
Car c’est bien ici le second principe, celui de la solidarité. Nous devons être très vigilants à la faire figurer comme principal levier d’action et elle apparait bien dans ce rapport. Par contre nous devons en définir très précisément les contours.
Que l’on le reconnaisse ou non, la France est le septième pays du monde où le PIB est le plus important selon le magazine Business cool. Toute forme de solidarité que nous entretenons doit bien garder en vue que l’aide que nous pouvons apporter, quelle que soit ses formes, ne peut pas attendre de contrepartie. La seule contrepartie, c’est celle que nous obtenons dans la richesse des échanges et du partage, qui se répercutent inévitablement sur nos services et sur nos habitants si nous avons à cœur de le valoriser. En cela, la valorisation des actions du Département prend tout son sens et toute sa pertinence.
Enfin, dernier principe, et j’y tiens fermement, c’est celui de tenir compte des besoins émis par le territoire avec lequel nous entretenons des relations. Il découle du premier principe.
Nul ne peut anticiper ou penser à la place de l’autre, les besoins de celui-ci, tout comme leur priorisation. Il s’agit de se prémunir de toute forme de fermeture à l’autre mais au contraire de rester ouvert à ce que nous n’aurions pas vu car nous serions trop absorbés par les critères ou compétences que nous nous sommes fixés.
C’est ce principe qui a toujours commandé les actions que nous avons pu entreprendre à Harfleur, auprès de nos partenaires jumelés. C’est celui-ci que nous devons mettre au cœur de ce rapport.
Or, à la lecture dudit rapport, il m’a semblé que ces principes manquaient, voire, qu’ils risquaient d’être oubliés au détriment de considérations techniques qui placent l’efficacité avant les valeurs partagées.
Je ferai référence aux actions que nous allons mener avec la commune de Zahlé au Liban qui me semblent manquer d’ambition. Je l’avais déjà dit lors de la commission des relations internationales précédentes. En effet, la commune de Zahlé nous avait fait part de leur grande difficulté à gérer la gestion de leurs déchets amplifié par l’arrivée massive de migrants qui amené au doublement de leur population. Il me semble que cette thématique de la gestion des déchets aurait du être prioritaire car cela a des impacts sur la santé mais aussi sur l’environnement.
C’est pourquoi, même si ne nous comptons pas ne pas voter ce rapport, nous le voterons avec pleine satisfaction que s’il s’y trouve ajouté en préambule de la deuxième partie, les principes que je viens d’énoncer.
Plus généralement, nous devons inscrire notre action en tenant compte de l’évolution du contexte mondial, notamment la façon dont les bouleversements climatiques risquent de changer la physionomie des relations internationales.
Les dérèglements géographiques, économiques et sociaux, les déplacements de populations, ne laisseront aucune parcelle du monde indemne. Et chaque fois, ces bouleversements ont des conséquences sociales fondamentales. Notre Département y jouera un rôle, stratégique ou non en fonction de la place qu’il accordera à sa politique internationale.
C’est de cette anticipation de ce que les années, les décennies à venir nous préparent dont j’aimerai que nous puissions anticiper. On ne peut émettre une stratégie qu’à condition qu’elle tienne compte des éléments à long terme dont nous possédons déjà une bonne connaissance. Cela mérite un vrai débat, et que l’on accorde aux relations internationales une place bien plus grande que celle qu’elle occupe actuellement ».
Pour télécharger l’intervention de Christine MOREL : Orientations coopération – CM