Joachim Moyse : « Expérimentons en Seine-Maritime un service public de l’aide à la personne ! »

Joachim Moyse : « Expérimentons en Seine-Maritime un service public de l’aide à la personne ! »

C’est la proposition que les élus de la Gauche combative ont défendu au cours du débat qu’ils ont animé lors du Conseil départemental du 9 décembre par la voix de Joachim Moyse.

« Avant de développer ce sujet important et puisque l’on va parler notamment des services d’aide et d’accompagnement à domicile, nous nous étonnons que de nombreux SAAD attendent toujours le versement de la contribution départementale pour leur permettre d’appliquer les revalorisations salariales obtenues par leurs agents, à force de mobilisations. Des revalorisations qui s’appliquent pourtant depuis le 1er avril dernier.

Il y a un peu moins de 80 ans, notre pays, sous l’impulsion d’Ambroise Croizat, des communistes et de la CGT, créait la Sécurité sociale. Il s’agissait alors de préserver les Français des craintes du lendemain, de la maladie et des accidents de la vie.

Nous étions alors dans un pays qui sortait de l’occupation, avec une économie dévastée, mais qui comptait se relancer en s’appuyant sur le programme du Conseil National de la Résistance et de son esprit tourné notamment vers le progrès social et la solidarité.

Près de 80 ans après, notre pays a évolué et nous vivons plus longtemps. Ainsi, les risques et les protections nécessaires pour le 3ème ou le 4ème âge ont changé en considérant les nouveaux modes de vie des familles et l’exigence de dignité pour les seniors.

Il est donc urgent d’engager le travail sur un service public de l’aide à la personne :

  • Parce que c’est utile, au regard des besoins des Seinomarins qui vont croissants à mesure que l’espérance de vie avance ;
  • Parce que l’utilité de ce secteur pour les personnes en perte d’autonomie n’est pas reconnue, ni du point de vue des conditions salariales et ni de celui du statut de ces femmes et parfois de ces hommes qui aident et qui veillent aux soins mais aussi au bien-être moral des seniors et au maintien de leur lien social;
  • Parce que ce métier du lien est essentiel, beau et riche en relations humaines, mais demeure pénible physiquement et psychologiquement, exigeant et contraignant du point de vue de la vie familiale.
  • Parce que le coût d’hébergement en EHPAD amène de nombreux habitants à privilégier de manière contrainte le maintien à domicile.

Le Département est l’acteur principal voulu par la loi pour agir sur les effets de la perte d’autonomie : il instruit, verse et finance, en partie, l’Allocation Personnalisée d’Autonomie depuis que l’Etat s’est désengagé dans sa compensation intégrale. Il conventionne et est financé par la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA).  

Il fixe un cadre, des objectifs à cette politique de l’autonomie en Seine-Maritime à travers un schéma pluriannuel. 

Il intervient comme tuteur direct, à travers les contrats d’objectifs et de moyens, et comme financeur des services d’aide et d’accompagnement à domicile, les SAAD. Ces SAAD sont publics, c’est le cas de ceux organisés directement par un CCAS comme à Dieppe, à Bacqueville, au Tréport ou à Fécamp. D’autres sont associatifs.

D’autres sont privés et sont donc généralement organisés par des groupes qui clairement font du bénéfice, donc dégagent des profits pour leurs actionnaires, sur la dépendance des bénéficiaires.

Et d’autres on ne sait plus comment les qualifier. Peut-être hybrides ? Je pense à AXEO filiale privée de La Poste dont le capital demeure largement public. 

Il existe une centaine de ces Services d’Aides à Domicile dans notre Département.

Nous constatons tous :

  • Des disparités importantes dans la qualité des services dispensés entre différents SAAD. Ainsi, si vous êtes sous le coup du chrono au domicile d’un bénéficiaire pour satisfaire des ratios de rentabilité, vous ne pouvez plus être sous le coup de l’humain pour entretenir des liens.
  • Des personnels qui demeurent sous-payés, sans véritable statut protecteur, trop souvent en contrats précaires, à temps partiels subis et aux prises avec des plannings gruyères qui rendent la vie impossible.
  • Un métier trop souvent dépourvu d’une réelle formation lors de l’embauche et après.

Comment dès lors s’étonner que recruter dans ce secteur en pénurie ne soit pas aussi simple que de traverser la rue ? 

Près des deux tiers des SAAD connaissent des difficultés pour recruter. Et cela date d’avant la crise sanitaire puisque 26% des structures disent avoir refusé des demandes entre 2019 et mars 2020 en raison d’un manque de personnel. 

Et le Ségur de la santé, qui a revalorisé les personnels des hôpitaux et des EHPAD, a provoqué une fuite de certains salariés. C’est particulièrement vrai pour les SSIAD, les services qui dispensent des soins infirmiers, dont 50% ont constaté au moins un départ de salarié vers un de ces établissements.

Côté salaire, la réalité est bien différente de la communication gouvernementale. Le salaire moyen d’une Aide à Domicile est de 1.480 € net par mois, soit 10 € net de l’heure !! 860 € (-37%) de moins que le salaire moyen en France !

Les primes d’urgence liées au Covid et les revalorisations obtenues via la négociation de l’avenant 43 puis 44 de la convention collective de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile, et les mesures du SEGUR II, ne sont pas à la hauteur.

Et il ne suffit pas de pointer du doigt les bénéficiaires du RSA en sous entendant qu’elles et ils pourraient devenir des aides à domicile pour que cela fonctionne. Nous le constatons en Seine-Maritime.

Afin de tenter de régler toutes ces dérives, toutes ces carences, et rendre ce métier attractif, la loi ambitionne de réformer les services d’aide à domicile.

C’est un vrai métier qui repose sur une vocation, celle d’accompagner nos aînés à vivre dignement ; c’est un métier du lien qui a besoin de sens et qui ne se fait pas par défaut.

C’est aussi un métier essentiellement féminin, car principalement exercé par des Femmes, qui doit être sorti de la précarité et davantage reconnu financièrement.

Alors, que comptez-vous faire ? Une nouvelle fois, comptez-vous réduire notre Collectivité départementale à un rôle de simple agence gouvernementale ou sous-traitante de l’Etat ? Et ce ne sont pas les assises nationales du « bien vieillir » au Havre la semaine prochaine qui apporteront des réponses concrètes. Parler c’est bien, agir c’est mieux.

Pour notre part, nous ne le voulons pas et nous ne l’acceptons pas pour deux raisons :

La première, c’est qu’avec Emmanuel Macron, Président de la Start-up nation et partisan de l’Uberisation de tous les métiers, nous n’allons pas vers une véritable reconnaissance ni vers un vrai statut garant d’un haut niveau de service pour nos aînés.

La seconde, c’est que nous voulons que notre département joue pleinement son rôle. La Seine-Maritime pourrait ainsi être exemplaire au sein de l’Association des Départements de France, en prenant une initiative ambitieuse et rassembleuse.

En associant tous les acteurs concernés, sans exclusive, les agents et salariés eux-mêmes, leurs syndicats, leurs employeurs publics comme privés, et évidemment les usagers et leurs familles, ce nouveau modèle de service public destiné à tous pourrait être généralisé, à partir de notre territoire.

Si la politique départementale progresse à petits pas, il y a urgence à passer à la vitesse supérieure pour nos aînés comme pour les professionnels du secteur. 

Nous vous proposons dans ce mandat qui vient à peine de commencer, de travailler à la création d’un service public départemental de l’aide à domicile qui garantirait un égal accès à toutes et tous, quels que soient ses revenus, un même service et des professionnels formés et reconnus, que l’on habite dans un quartier populaire ou dans la ruralité.

Un service public qui édicterait une charte de valeurs et d’objectifs à respecter en Seine-Maritime tant vis-à-vis des bénéficiaires que des personnels. 

Un service public qui garantirait un statut et des conditions d’exercice du métier compatible avec la nécessaire humanité à porter aux bénéficiaires comme aux personnels, que ce soit sur les rythmes de travail, l’harmonisation des plannings ou encore la conciliation de la vie privée avec l’ambition professionnelle… 

Un service qui garantirait des bons niveaux de rémunérations, favorisant l’attractivité de ces métiers, en allant même au-delà de la convention collective.

Un service public qui créerait de véritables filières de formation en lien avec tous les partenaires de ce secteur, parce que l’attractivité et la reconnaissance du métier passent aussi par là. 

Un service public, nouveau et audacieux, qui par une contractualisation nouvelle avec les SAAD, leur donnerait les moyens, par le levier de la tarification comme celui de la subvention, de remplir leurs obligations découlant de ces différents objectifs. 

Il y a tout à faire, tout à écrire pour créer un nouvel édifice social, protecteur et capable de faire face aux défis du vieillissement. La Seine-Maritime gagnerait à s’y engager. Notre groupe est convaincu que votre majorité est capable de préférer répondre avant tout aux besoins des habitants plutôt qu’aux consignes de l’Élysée sur un tel sujet.« 

Pour télécharger l’intervention de Joachim MOYSE : Pour un service public de l’aide à la personne – JM

Sébastien

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