Budget correctif 2021 : la course à l’échalote électorale !

Budget correctif 2021 : la course à l’échalote électorale !

Trois mois seulement après avoir adopté son budget 2021, le Conseil départemental s’est vu proposé, lors de sa séance du 9 avril, un budget fortement corrigé (Budget Supplémentaire 2021). Une manoeuvre dénoncée par les groupes d’opposition comme l’a longuement exposé Stéphane Barré, pour le groupe des élus communistes et républicains du Front de Gauche.

« Une remarque générale tout d’abord Monsieur le Président. Vu le nombre historique de délibérations soumises à notre Conseil et principalement motivées par la crise sanitaire et ses conséquences un an après, vous auriez été mieux inspiré de convoquer un Conseil exceptionnel en janvier sur la gestion de cette crise, plutôt que sur le projet de contournement Est de Rouen…

Mieux inspiré d’établir un vrai budget départemental 2021 de gestion de crise et d’urgences sociales, comme nous vous invitions à le faire en novembre et en décembre…

Et encore mieux inspiré d’utiliser, en temps et en heure, les possibilités de financement mobilisables sur l’exercice 2020 pour agir en temps réel, au lieu de laisser filer un excédent budgétaire qui au final s’est avéré historiquement haut.

Parce les capacités nouvelles, les marges de manœuvre retrouvées comme vous aimez à le souligner régulièrement, elles ne sont pas apparues comme par miracle entre Noël et le Jour de l’An…

En conclusion de mon intervention lors de la présentation de votre budget 2021, le 10 décembre dernier, j’avais parlé d’un rendez-vous manqué, s’agissant du budget de la collectivité des solidarités en pleine gestion de crise Covid.

Confronté à un niveau d’urgence sociale, économique, écologique et sanitaire jamais connu, vous nous aviez présenté un budget bien terne, en complet décalage avec les réalités pourtant vécues et subies par les seinomarins depuis 9 mois alors. Rien qui n’était à l’époque exemplairement solidaire, extraordinairement solidaire pour faire face à une situation historiquement dégradée pour les seinomarins.

C’était d’autant plus regrettable que notre groupe, comme d’autres groupes d’ailleurs, vous avions développé de nombreuses propositions concrètes lors du débat d’orientations budgétaires le mois précédent, pour que le Département de Seine-Maritime se dote d’un vrai plan de relance des solidarités ».

Les oppositions enfin entendues ?

« Aujourd’hui, en étudiant le budget supplémentaire que vous nous soumettez, nous pourrions avec un brin de naïveté, considérer qu’enfin vous nous avez entendu. Près de 19 Millions sont en effet injectés en fonctionnement, dont 11,3 en faveur des solidarités, 1,6 pour les collèges, le sport, la culture. Et 33 Millions vont financer des investissements nouveaux, dont 7,2 dans les secteurs des solidarités. Au total, plus de 50 Millions sur la table.

Je ne vais pas détailler, et je ne vais pas pinailler, même s’il manque encore plusieurs besoins qui ne trouvent pas réponse ici, nous en avons parlé au cours de cette séance avec le rétablissement attendu des Bourses aux collégiens par exemple.

Car si le budget 2021 en décembre était totalement passé à travers les enjeux et priorités induites par les conséquences de cette crise, en tout cas dans sa section fonctionnement, vous nous proposez ici une séance de rattrapage à partir de ce Budget supplémentaire.

Corrigé ainsi, abondé ainsi, de 11% en volume excusez du peu, nous pouvons considérer, 1 an après le début de la crise, que vous avez enfin réagi, vous nous avez enfin entendu ».

Agents départementaux, les grands oubliés de ce budget…

« Notre grand regret, mais de taille, est consacré au capital humain de notre collectivité qui demeure le grand oublié de cette réaction tardive de crise.

Les dépenses de personnel qui intègrent pourtant l’évolution naturel du GVT, le glissement vieillesse technicité et les conséquences du nouveau Régime indemnitaire des agents, ont reculé de 2%, – 3,5 Millions au budget de décembre, et ce budget supplémentaire n’acte qu’un apport de 1,65 Millions dont une partie est consacrée à la formation, aux frais de déplacement, à l’accompagnement psychologique, mais pas aux embauches, aux renforts.

Comment donc sans moyens humains supplémentaires comptez-vous répondre à l’impérieux besoin d’accompagnement, d’écoute, de conseil et d’assistance des milliers de seinomarins dans le pétrin ?

Déjà avant cette crise, nous vous alertions sur des difficultés notées dans nos cantons pour obtenir un rendez-vous, un suivi, une aide auprès d’un travailleur social.

Nos assistantes sociales, nos professionnels de secteur sont exténués comme l’ont été avant eux les personnels hospitaliers à l’époque où nos gouvernants ignoraient leurs cris d’alerte.

Cet effort vous semblez l’avoir limité au collège pour assurer, dixit le rapport, « la continuité de service ». C’est pas trop tôt, cela fait un an que régulièrement les conseils d’administration alertent sur des absences de postes, des insuffisances dans les effectifs, alors que les protocoles sanitaires imposent au contraire des moyens accrus.

Rappelons au passage, c’est toujours utile de le rappeler, qu’au cours de votre mandat, près de 500 postes ont été supprimés dans les services départementaux, 7% des effectifs, dont 72 postes dans la filière médico-sociale (- 8,9% des effectifs de cette filière). »

Un budget d’affichage électoral…

« Il faudrait être bien naïf pour croire, qu’en l’espace de 3 mois après votre pâle budget, cette correction de trajectoire résulterait d’un sursaut de conscience, d’une prise de conscience même. Ou alors qu’elle résulterait d’un quitus donné aux oppositions sur leurs critiques et sur leurs propositions.

Notre collège Nathalie Lecordier a beau avoir déclaré en Commission que vous avez beaucoup appris de cette crise, ce genre de sursaut à 3 mois de l’élection nous n’y croyons pas.

Nous assistons aujourd’hui à une manœuvre électorale, ce budget n’est pas un budget supplémentaire, c’est un budget de campagne !

Acte 1 : je l’ai souligné tout à l’heure, vous ignorez la crise pendant 9 mois, ses besoins, ses urgences, les alertes, nos propositions.

La preuve, le bilan 2020 acte un excédent record à reporter : 136 Millions de disponible. Il faut revenir à l’année 2015, année charnière entre deux mandats, pour retrouver un tel niveau. Avec cette crise sans précédent et ses besoins, notre excédent aurait du chuter, il est au contraire au même niveau en fonctionnement qu’en 2019, année d’avant la crise sanitaire…

Acte 2 : bien que vous ayez forcément eu connaissance avant la clôture de l’exercice 2020 du niveau record du disponible, vous n’y touchez pas et vous ne l’anticipez pas non plus dans la construction du budget 2021. Nous savons la compétence de notre service des finances et de son directeur. Vous ne pouviez pas ignorer cet élément.

Or ce budget nous a été présenté en baisse de 3,10%, en intégrant qu’une très modeste progression de 1,43% des dépenses réelles de fonctionnement motivée en grande partie par les besoins du RSA.

Acte 3 : alors que chaque année le compte administratif, l’affectation du résultat et le budget correctif sont présenté à mi exercice, fin juin, cette année d’élection, vous nous le servez en avril, soit seulement 3 mois après le début de l’exercice.

L’explication donnée en commission est un peu courte : nos agents auraient mieux travaillé cette année pour vous permettre d’avancer ce budget supplémentaire…

Non, nous pensons que ce budget supplémentaire était déjà dans les tuyaux en décembre, et d’ailleurs la lecture des 11 Millions de recettes nouvelles en fonctionnement qui alimentent ce budget supplémentaire vont dans ce sens.

D’abord parce qu’elles ne couvrent pas les 18,6 Millions de dépenses nouvelles de gestion de crise. C’est donc bien l’excédent record qui est appelé ici pour l’équilibrer.

Ensuite parce que ces recettes nouvelles ne portent pas d’effort particulier de l’Etat, alors même que le Plan de relance national est évoqué dans les motivations de ce Budget supplémentaire.

Enfin parce qu’une partie de ces recettes nouvelles nous laissent dubitatifs : 1 Million en provenance d’un excédent visiblement structurel du Parc départemental ou 4 Millions issus d’une sous évaluation de TVA au BP ».

La course à l’échalote…

« En conclusion, nous comprenons bien qu’aujourd’hui après un budget initial volontairement raté, la majorité départementale veut se lancer dans une course à l’échalote pré-électorale. Mais la ficelle est un peu trop grosse.

Nous ne cautionnerons pas cette manœuvre politicienne et ne prendrons pas part au vote, en vous offrant, avec nos dédicaces, la définition de cette drôle de course à laquelle nous ne prendrons pas part :

Course à l’échalote : une compétition où tous les moyens sont bons pour arriver le premier ; une compétition parfois immature où tout est bon pour être premier ».

Ce budget supplémentaire 2021 a été voté par le groupe des droites et ses alliés du groupe des deux élus « indépendants » et l’une des deux élues du groupe « Pour l’écologie au Département ».

Pour télécharger l’intervention de Stéphane Barré : Budget supplémentaire – SBA

Sébastien

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