Séance du Conseil Général : Débat d’orientations budgétaires

Séance du Conseil Général : Débat d’orientations budgétaires

Lors du débat d’orientations budgétaires, c’est Claude COLLIN qui a fait l’intervention générale au nom du groupe communistes.

Collin-Claude

Voici son intervention :

Conseil Général de Seine Maritime – Séance plénière du 22 novembre 2013 

Débat d’orientations budgétaires pour le BP 2014

 

Intervention de Claude COLLIN pour le groupe des élus communistes et républicains.

 Monsieur le Président,

Chers Collègues,

 

Alors que le débat sur les orientations budgétaires de notre collectivité devrait nous amener à nous projeter dans l’avenir, l’exercice paraît chaque année un peu plus difficile et périlleux tant des incertitudes pèsent sur les ressources des Départements.

 

Une décennie de gestion du pays par la droite ont laissé des traces au sein des collectivités locales qui ont été mises à genoux en les privant méthodiquement de leurs ressources, en premier lieu avec la suppression de la Taxe professionnelle, remplacée par un panier de recettes bricolées et une contribution sur la valeur ajoutée des entreprises non dynamique. Un cadeau fiscal supplémentaire aux entreprises qui devait, parait-il, dynamiser les créations d’emplois ce à quoi il nous est permis de douter au vu des chiffres du chômage.

 

Aujourd’hui, les départements ne maîtrisent plus qu’un seul impôt direct, la Taxe sur le foncier bâti, augmentée de 12,5% l’année passée pour faire partiellement face à l’effet de ciseau auquel est confrontée notre collectivité.

 

L’assèchement des ressources des collectivités systématisé par Nicolas Sarkozy et son Gouvernement s’inscrivait clairement dans une logique libérale de réduction du périmètre de l’intervention publique. Les collectivités sont pour la droite, des cibles prioritaires, comme le sont les systèmes de retraite et de protection sociale.

 

Comme si cette logique mortifère n’était pas suffisante, la droite est aussi responsable du désengagement de l’Etat, notamment à travers les transferts de compétence RSA, APA, PCH… très mal compensés. En agissant ainsi, l’Etat s’est défaussé sur les collectivités locales de son rôle de garant de la cohésion sociale en émiettant les solidarités.

 

Cette responsabilité est chiffrée, la droite gouvernementale a fait ses valises en laissant à notre Département une ardoise de 600 millions d’euros depuis l’ouverture des compteurs en 2004. Cette dette dénoncée de manière continue par la majorité départementale, comme un héritage inadmissible sous les gouvernements de droite, continue néanmoins de s’aggraver de manière incompréhensible et inadmissible malgré les changements effectués à la tête de l’Etat en 2012.

 

Depuis 2004, les dépenses sociales de notre collectivité augmentent de manière continue et à un rythme de plus en plus soutenu depuis la crise économique de 2008.  Si les dépenses sociales étaient de 250 millions en 2004, elles atteignent désormais 730 millions d’euros en 2013. Outre la progression de l’APA liée au vieillissement de la population, une part significative de cette hausse est imputable à la progression du nombre d’allocataires du RSA, traduction logique de l’accroissement du chômage dans notre pays.

 

Le rapport sur le DOB présente un certain nombre d’indicateurs intéressants, notamment sur l’évolution du déficit public du pays au regard du PIB national dans sa page 2.1.4. En 2009, au plus fort de la crise financière, le déficit public français était de 7,5% du PIB. On constate depuis que ce que certains appellent des efforts,  mais qui en réalité, sont des sacrifices très douloureux demandés à la population, n’ont permis de modifier qu’à la marge le déficit public en question. Malgré l’ensemble des mesures d’austérité qui ont déjà été adopté le déficit devrait être ramené en 2013 seulement à 4,1%. A ce rythme on ne peut que s’inquiéter sur les nombreux sacrifices qui seront demandés  aux plus modestes et aux classes moyennes pour atteindre l’objectif européen de -3%. L’expérience démontre que les politiques d’austérité impactent négativement la croissance et deviennent de fait, contre productives. Dans ces conditions il semblerait plus judicieux de relancer la consommation

 

La Haute-Normandie fait partie des régions les plus sinistrées de France métropolitaine avec un taux de chômage supérieur de 1,3 point à la moyenne nationale, soit 11,8% de sa population active. Frappée de plein fouet par les plans sociaux dans le secteur industriel, la Seine Maritime affiche désormais un taux de chômage de 11,8%.  Conséquence directe, les dépenses liées au RSA représenteront à la fin de l’année un total de 210 millions d’euros soit une progression de 20 millions d’euros supplémentaires au regard du budget primitif voté en décembre 2013.

 

Depuis 2011, le Conseil Général a réduit significativement sa voilure en rabotant les interventions facultatives qui faisaient son originalité en tant que pôle de résistance aux politiques de casse sociale à l’œuvre au sommet de l’Etat.

 

Si un espoir a été soulevé en 2012 lors du changement de majorité politique à la direction du pays, force est de constater que le soufflet est bien vite retombé. En effet, le monde invisible de la finance, l’adversaire numéro 1 désigné un temps par le chef de l’Etat, a su imposer rapidement ses vues au Gouvernement.

 

Après avoir adopté le Traité européen sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance qui pose pour principe intangible l’interdiction des déficits et son corollaire d’austérité, le gouvernement n’a eu de cesse de reculer devant les prétentions du grand patronat sans mener réellement le combat.  Les patrons autoproclamés « pigeons », ont ainsi obtenu le recul du Gouvernement sur la taxation des plus value de reventes d’entreprises.  20 milliards d’euros ont ensuite été accordés aux entreprises dans le cadre du Crédit Impôt Recherche Compétitivité, dont l’impact sur l’emploi n’est pas démontré, à l’instar des dispositifs d’exonération de cotisations sociales qui se sont multipliés depuis 1993, où encore l’épisode de l’écotaxe sur le transport de marchandise par la route, dont le dispositif a été mal conçu par le précédent Gouvernement mais qui reste néanmoins juste dans son principe.

 

Ces cadeaux aux grands lobbys patronaux et aux plus fortunés sont facturés au prix fort à la population. Tout d’abord par une hausse de la pression fiscale sur les ménages modestes et les classes moyennes. Ainsi 1,8 millions de foyers fiscaux ont été déclarés nouvellement imposables en 2013 du fait de la poursuite du gel du barème de calcul de l’impôt sur le revenu. Par contre coup, ces derniers sont également devenus redevable de la taxe d’habitation ainsi que de la redevance télévisée. L’augmentation de la pression fiscale sur les classes moyennes et populaires c’est aussi la hausse de la TVA au 1er janvier pour un montant de 6,5 milliards d’euros afin de payer le CICE. Puisqu’il y a peu de temps encore, tout le monde à gauche s’accordait pour dénoncer l’iniquité de la TVA sociale créé par M. Sarkozy, les élus communistes demandent en toute bonne logique que l’augmentation de la TVA soit annulée. En effet celle-ci porterait un mauvais coup au pouvoir d’achat de la majorité des ménages qui a déjà été passablement érodé. De même, elle impacterait négativement l’activité des PME et de l’artisanat.

 

Les cadeaux au MEDEF et à ses affidés du CAC 40 sont facturés une deuxième fois à la population par la réduction des dépenses publiques, autrement dit, par la casse du service public et la poursuite du démantèlement de notre système de protection sociale dans laquelle s’inscrit pleinement la dernière contre-réforme des retraites.

 

Si les services publics de l’Etat sont mis à mal, ceux assurés par les collectivités locales le sont tout autant du fait de la cure d’austérité imposé à leurs budgets. Pour 2014, un nouveau rabotage des dotations de l’Etat versées aux collectivités d’un montant d’1,5 milliards d’euros, dont 476 millions pour les Départements, est ainsi prévu dans le cadre du projet de la loi de finances pour 2014. Pour notre collectivité cette baisse est actuellement évaluée à 6,8 millions d’euros.

 

Face à la grogne des Départements l’Etat s’est engagé néanmoins en juillet dernier, à accroître son soutien aux Conseils Généraux au titre des prestations individuelles universelles dont ils ont la charge depuis 2004.  Sur un déficit annuel estimé entre 5 et 6 milliards d’euros, l’Etat à convenu d’apporter potentiellement 2,1 milliards d’euros supplémentaires aux Départements.

 

827 millions proviendraient d’un reversement des frais de gestion du Foncier Bâti au bénéfice des conseils généraux, soit un montant attendu de 15 millions pour notre collectivité. Le reste, 1,3 milliards, proviendrait de la possibilité de relever le taux des Droits de Mutation à Titre Onéreux (DMTO) sur les transactions immobilières perçus par les départements de 3,8% à 4,5%. Cette recette potentielle reste néanmoins particulièrement aléatoire au vu de la déprime des transactions immobilières. Sur la base des évaluations fournies par les services du Département au regard de l’évolution négative des DTMO perçues par notre collectivité, le Conseil Général pourrait espérer percevoir ainsi 13 millions d’euros supplémentaire. Cette dernière  mesure de soutien  ne coûtera, dans les fait, rien à l’Etat puisque ce sont les Départements qui lèveront cet impôt à un moment où l’accession à la propriété des primo accédants est en berne.

 

Le geste du gouvernement envers les Départements reste donc insuffisant étant donné, qu’un reste à charge de plus de 3 milliards au bas mot, est laissé aux conseils généraux pour le seul versement des allocations universelles individuelles. De plus, aucune annonce n’a été faite vis-à-vis du règlement de la dette financière que l’Etat a accumulé auprès des Départements.

 

En privilégiant le remboursement de la dette publique contractée auprès des banques et des marchés financiers au détriment du règlement de la dette sociale contractée auprès des collectivités, le Gouvernement fait primer les intérêts du capital sur les besoins des populations.

 

Le coût du capital, parlons-en ! L’impôt sur les sociétés perçu par l’Etat en 2014, 36 milliards d’euros, sera inférieur aux dividendes qui seront versés aux actionnaires des entreprises du CAC 40, 40 milliards. Ce n’est pas le « coût du travail » qui impacte négativement l’activité économique, étant donné que seul le travail est producteur de richesses, mais bien le coût du capital. Le « coût du capital » acquitté par les entreprises, constitué à la fois de la somme des dividendes versés aux actionnaires et des charges financière payées aux banques sous formes d’intérêts d’emprunt avoisinait 300 milliards d’euros l’année passée selon l’Insee, soit près du double du montant des cotisations sociales effectivement versées par les employeurs (158 milliards).

 

L’ensemble des exonérations fiscales et sociales des entreprises représente aujourd’hui 200 milliards d’euros pour un effet négligeable sur l’emploi. L’évasion fiscale est pour sa part estimé entre 60 et 80 milliards d’euros. La démonstration est faite que des sommes considérables peuvent être mobilisées plus efficacement pour l’emploi, les services publics et notre protection sociale.

 

Cette situation soulève de profonds mécontentements dans la population, lesquels se matérialisent de façon parfois contradictoire, avec des salariés victimes de plan de licenciement défilant aux côtés de leurs employeurs.  C’est la traduction d’une désorientation grandissante de la population liée à une perte de valeurs. Néanmoins et heureusement, lorsqu’on l’on demande aux français, comme le souligne le journal l’Humanité dans un sondage réalisé par CSA publié le 18 novembre dernier, ces derniers sont 84 % à répondre que la lutte contre les inégalités en France devrait être prioritaire, contre 9% pour lesquels elle serait secondaire et 7% pour lesquels elle n’est pas une priorité. De même, ils sont 84 %  à demander une transformation en profondeur de la société

 

Les français ne rejettent pas le principe de l’impôt utile, ils se révoltent surtout contre les injustices fiscales. Dans un contexte où le gouvernement leur demande de payer davantage d’impôts pour une qualité de service rendu dégradé, les discours remettant en cause la nécessité républicaine et sociale de la contribution fiscale font des ravages dans les esprits. La place est alors laissée à toutes les démagogies, à ceux qui veulent détruire les conditions du bien commun, détruire ce qui fait société, au profit du chacun pour soi. Le résultat, comme nous venons déjà de le dire, c’est la perte de repères, le brouillage idéologique, qui permet à l’extrême droite de prospérer.

 

Dans une société où l’argent existe, il est indispensable d’engager le chantier d’une nouvelle répartition des richesses. C’est une urgence pour les populations. C’est une urgence pour les collectivités. Il faut rompre avec les diktats de l’Europe du capitalisme financier qui fait subir à toutes les collectivités les conséquences désastreuses de la réduction drastique des dépenses des Etats, de la marchandisation du service public et de la mise en concurrence généralisée. Il faut remettre le cap à gauche, en France comme en Europe.

 

Cela passe avant tout par une grande réforme fiscale. Dans ce sens, les élus communistes sont force de proposition.

 

Mité de toute part par des niches fiscales qui profitent avant tout aux plus privilégiés, l’impôt sur le revenu, doit être réformé en relevant le nombre de tranche ainsi que son plafond afin de mettre réellement à contribution les revenus des ménages les plus aisés. L’impôt sur les sociétés devrait être modulé en fonction de leurs politiques sociale et environnementale ce qui permettrait notamment de taxer davantage les entreprises recourant au travail précaire faiblement rémunéré. L’impôt de solidarité sur la fortune devrait pour sa part être rehaussé. En ce qui concerne le financement des collectivités locales nous proposons d’instaurer un impôt territorial en remplacement de l’ancienne taxe professionnelle assis sur le capital des entreprises comprenant également les actifs financiers qu’elles détiennent.

 

A l’inverse,  les élus communistes proposent de réduire la pression fiscale sur la consommation telle que la TVA et les différentes taxes sur les énergies qui représentent actuellement 60% des recettes fiscales.

 

En ce qui concerne notre collectivité, les élus communistes rappellent le cap qu’ils se sont fixés depuis qu’ils ont participé au changement de majorité en 2004 à savoir : la qualité du service public rendu à la population qui passe notamment par le sort fait au personnel du conseil général. Véritable partenaire, celui-ci doit être entendu et respecté. A ce titre, nous proposons d’augmenter la masse salariale de manière substantielle afin de permettre le bon fonctionnement des services.

 

La priorité au social, cœur de métier du Département, les solidarités doivent être confortées au regard des moyens financiers supplémentaires susceptibles d’être levés par notre collectivité, notamment dans le cadre du pacte de confiance signé par l’Association des Départements de France  avec le Gouvernement en juillet dernier.

 

Au titre des priorités sociales il nous apparaît nécessaire de faire un geste significatif en direction des personnes âgées. En effet l’ensemble des associations du secteur du maintien à domicile est confronté à de graves difficultés financières faisant peser de lourdes menaces sur l’emploi dans ce secteur et sur la qualité du service aux bénéficiaires. Un effort qui devrait concerner également les EHPAD à but non lucratif également en tension, du fait d’effectifs en nombre insuffisant pour faire face aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie.

 

Plus généralement les élus communistes seront particulièrement vigilants à ce que l’ensemble des moyens financiers nouveaux soit consacré à la satisfaction des besoins des populations. Cela passe par un soutien accru aux associations de Seine Maritime qui agissent au quotidien pour le bien être des populations Cela concerne également les associations du secteur de la prévention spécialisée qui actuellement, ne disposent plus des moyens nécessaires pour remplir de manière satisfaisante leurs missions.

 

Il en va de même pour les communes, 1er recours des citoyens, qui sont les acteurs de proximité les mieux à même de fournir un service public de qualité.

 

Je vous remercie

Olivier

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