A l’adresse des groupes de la Droite et du PS au Conseil départemental : « vous êtes prisonniers des mêmes logiques funestes, l’avenir et la modernité sont à inventer sur les ruines de ce que vous défendez. Le Havre et la Seine-Maritime vous montrent le chemin dans la lutte ! ». Jean-Paul Lecoq
Troisième débat du Conseil départemental lundi, à l’initiative du groupe communiste et républicain, Front de Gauche, ouvert par Jean-Paul Lecoq sur le thème des luttes sociales : « Depuis le mois de mars, toutes générations confondues et dans un élan bien plus représentatif du pays réel que ce que l’on nous rebat les oreilles à longueur de JT pour tenter de minimiser cet élan, des femmes et des hommes se lèvent, s’unissent et se mobilisent pour rejeter un dogme économique qui asservi l’être humain pour le seul bénéfice exclusif de quelques-uns. Dans ce combat d’avenir, parce qu’il représente le trait d’union entre le passé, l’héritage de notre République sociale, et le futur qui ne saurait être marqué par la régression, Le Havre et la Seine-Maritime sont en pointe dans les luttes. La colère gronde et se généralise, la volonté de changement aussi, percutant de plein fouet les pouvoirs en place, qu’ils soient économiques et politiques, médiatiques également. Ils récoltent tous la défiance ».
Confrontés à cet élan, Jean-Paul Lecoq a fustigé la réaction des pouvoirs : « Et comme souvent en ces temps annonciateurs de tempête, ces pouvoirs ont tendance à s’enfouir la tête dans le sable et à invoquer la méthode Coué, bardés de leurs certitudes et persuadés de détenir la vérité absolue, d’agir pour le bien commun, d’être l’avant garde éclairée d’un peuple qu’il conviendrait d’infantiliser pour mieux le pressurer. Alors que notre société n’a jamais été aussi riche, alors que le progrès technique n’a jamais été aussi significatif, ils poursuivent leur travail de sape en ne s’apercevant pas qu’ils scient la branche sur laquelle ils sont tous assis, faisant le jeu, partout en Europe, d’une extrême droite en embuscade prête à tirer son épingle du jeu de l’échec des démocraties à changer la vie des peuples pour la rendre meilleure ».
Dénonçant un « gouvernement arque-bouté pour défendre un engagement patronal pour lequel il n’a reçu aucun mandat, quitte pour cela à se dédire encore un peu plus des engagements, bien réels ceux-là, qu’il avait contracté auprès des salariés pour se faire élire », Jean-Paul Lecoq a estimé que « le pouvoir socialiste vient en ce printemps qui fera date, de couper les derniers liens le rattachant à la Gauche et à ses valeurs ».
Quant à la Droite, le rapporteur du groupe communiste a prévenu que « prise de vitesse, elle se prépare un peu trop vite à récupérer les rênes du pouvoir, en se lançant dans la surenchère, au point que Madelin lui-même, qui défendait le libéralisme au moment où cette doctrine des nantis était encore un gros mot, parle aujourd’hui de purge libérale pour définir ce que les candidats de la Droite et du Centre nous préparent pour les prochaines élections. Moralité, chers collègues socialistes, nous sommes finalement toujours les gauchistes de quelqu’un, question de géométrie ! Sauf que cette fois, vous avez altéré durablement le lien avec le peuple de Gauche. Plus question de nous satisfaire d’une pâle copie pour éviter l’original. La politique souffre trop de mascarades et d’hypocrisie. De toute façon avec cette stratégie du moins pire pour éviter le pire, c’est toujours les extrêmes qui raflent la mise ».
Pour Jean-Paul Lecoq, l’avenir est évidemment ailleurs : « Pendant ce temps, la France debout, de nuit comme de jour, entendez celle qui refuse de se coucher a délivré en ce printemps des signes forts sur sa détermination à mettre en échec un modèle antisocial qui ne produit qu’inégalités et difficultés pour la grande masse des peuples. Les différents mouvements revendicatifs, et je n’évoque pas seulement celui contre la loi travail, convergent pour exiger et aussi pour construire un autre modèle, une autre perspective, un autre dessein ».
Avant de poursuivre : « Ce mouvement est généreux et déterminé, il n’a pas inscrit son action dans le champ réducteur de l’action politique, laissant ainsi à penser à tort à ceux qui dirigent, ici comme ailleurs, qu’ils seraient encore représentatifs. Représentatifs dans une démocratie qui se délite et qui déçoit, où l’abstention bat des records ? Représentatifs dans une République à bout de souffle qui a fait son temps en étant incapable de porter une société apaisée ? Représentatifs oui, des lobbies, des nantis et des entre sois. Gestionnaires comptables d’une pénurie au service d’une doctrine qui a décidé de faire payer les pauvres pour donner aux riches en faisant croire que plus ces derniers seront riches moins il y aura de pauvres. Les vers de Molières étaient à la mode dans cet hémicycle au cours de la dernière séance, je me contenterais pour ma part aujourd’hui pour les qualifier de recourir seulement à l’un de ses titres évocateurs : Tartuffe !! ».
Pour Jean-Paul Lecoq, la suite s’impose : « Vous continuerez sans doute à appliquer les mêmes politiques pour servir les mêmes intérêts. Nous continuerons à nous y opposer avec détermination, mais également avec sérénité car nous savons que vos jours, aux uns et aux autres, entendez par là bien entendu ce que vous portez comme conception de l’action publique, sont désormais comptés. La Fontaine aurait pu en faire une fable, vous me faites penser à cette histoire de grenouille dans une casserole sur le feu qui progressivement voit monter la température sans pour autant s’en inquiéter. Après tout le Président de la République, bien au chaud, l’affirme lui-même : Tout va mieux ! Et ceux, et ils sont nombreux, qui veulent le remplacer à Droite, ils clament que tout ira mieux avec eux. Tout ira mieux lorsque se sera pire encore… On y croit ! »
Avant de conclure : « Vous êtes prisonniers des mêmes logiques funestes, l’avenir et la modernité sont à inventer sur les ruines de ce que vous défendez. Le Havre et la Seine-Maritime vous montrent le chemin dans la lutte ! ».
La Droite a évidemment réagi à cette longue intervention par la voix tout d’abord de Sébastien Tasserie qui a constaté que « le peuple n’est plus en phase avec l’action de ce gouvernement, résultat Le Havre poumon de l’économie trinque ». Après avoir apporté son soutien « à tous les patrons qui payent cette addition avec des baisses de chiffre d’affaires qui auront des conséquences sur l’emploi » et mis en garde contre « ces grèves qui mettent l’économie en danger dans un port du Havre évoluant dans un milieu de concurrence », il a toutefois tenu à souligner l’absence de tout débordement au cours des manifestations. Cependant, pour lui, « les acteurs économiques sont les otages d’un rapport de force entre un gouvernement et des syndicats, le conflit actuel étant le résultat d’un projet de loi qui n’était inscrit dans aucun programme ».
Son collègue Rouennais Bellenger s’est ensuite lancé dans une description apocalyptique des conséquences des mouvements sociaux avant de reconnaitre : « oui monsieur Lecoq, je vous comprends, vous avez été trompé, vous avez été floué par celui qui disait que son ennemi c’était la finance. On peut se rejoindre sur ce que doit être un Etat, une action publique, mais la grande différence entre vous et nous c’est que nous considérons que pour pouvoir partager il fait d’abord créer la richesse ».
Des propos qui ne pouvaient pas laisser Hubert Wulfranc sans réaction : « On peut contester ce conflit social mais personne ne peut nier les enjeux qu’il constitue pour les salariés dans leur trajectoire professionnelle aujourd’hui et celle de leurs enfants demain. On ne peut pas laisser tourner la ritournelle du chantage à l’emploi car ce que l’on observe sur notre axe Seine, c’est un territoire totalement délaissé en termes industriel et de stratégie. Les décideurs orientent l’économie et les finances vers le canal seine nord pourvu de larges financements d’Etat. Ce qui est injecté pour l’actuel axe seine est dérisoire. Ne renvoyez donc pas les turpitudes sur les salariés en lutte ! ».
Après avoir pris l’exemple du terminal multimodal du Havre financé par de l’argent public et offert au privé qui s’est révélé incapable de le faire fonctionner, Hubert Wulfranc a tenu à préciser : « Certes ce conflit perturbe et bouleverse même la vie économique et sociale, mais laisser à penser que de son fait l’avenir de nos places industrielles et portuaires serait engagé est une plaisanterie ! La fermeture de Pétroplus a fait perdre, à elle seule, 10 % du trafic du port de Rouen. L’Etat et les décideurs économiques se sont-ils mobilisés pour autant ? Voilà la réalité. Je vous suis gré cependant de ne pas traiter, au moins ici, de terroristes ou de casseurs les salariés en lutte ! Ils se battent pour leurs droits et pour réclamer une autre politique économique et industrielle ».
Totalement absent de ce débat, le groupe socialiste n’a réagi que sous la forme d’une déclaration lapidaire de son président Nicolas Rouly : « J’observe ce spectacle de gauchisme et me vient à l’esprit une phrase d’Henri Weber : Pour ne pas être mouillée par la bruine libérale vous courrez le risque de la droite la plus autoritaire. Continuez ainsi et vous l’aurez ».
Jean-Paul Lecoq est pour sa part intervenu de nouveau en fin de débat pour conclure : « Vous nous expliquez que ceux qui luttent détruisent l’économie, mettant en danger le port. Vous ne dites pas que ce qui fragilise le port se joue ailleurs. Les grévistes se lèvent de bonne heure, souvent dès 3h du matin, pour dire qu’ils ne peuvent pas accepter un projet de loi qui va aggraver leurs vies et celles de tant d’autres pour les décennies à venir. Un projet de loi initié par l’Europe, par cette politique économique européenne rejetée massivement par le peuple français par référendum. Ceux qui donnent des leçons, de démocratie par exemple, défendent en réalité ceux qui n’ont pas respecté l’avis du peuple ».
Télécharger l’intervention complète de Jean-Paul Lecoq : Interv JPL DPD groupe CRFG