Expérimentation de la mise sous condition du RSA : les élus de la Gauche combative dénoncent une décision dogmatique aux conséquences multiples

Expérimentation de la mise sous condition du RSA : les élus de la Gauche combative dénoncent une décision dogmatique aux conséquences multiples

Dans la droite ligne fixée par Emmanuel Macron, la majorité départementale a franchi le pas de la mise sous condition du RSA en décidant son expérimentation sur des quartiers du Havre. Ce fut l’objet d’une délibération examinée par le Conseil départemental du 20 juin, et finalement adoptée uniquement par les voix des élus des droites, et malgré l’opposition ferme des groupes de gauche.

Pour le groupe de la Gauche combative, communiste et républicaine, Sophie Hervé a développé de nombreux arguments visant à mettre en lumière l’absurdité humaine et sociétale de cette mesure punitive et stigmatisante. Elle a notamment dénoncé le fait que les droites exigent des contreparties pour bénéficier d’un simple filet de sécurité par mois, tout en refusant dans le même temps toute contrepartie pour les plus riches qui bénéficient pourtant de milliards de cadeaux financés sur le budget de la Nation.

« Monsieur le Président, Chers Collègues,

Sous les effets du développement fulgurant de l’intelligence artificielle, qui d’ailleurs n’est pas sans poser question, les leaders de la Tech aux Etats-unis, Elon Musk en tête que l’on ne peut pas taxer d’être communiste, viennent d’appeler les pouvoirs publics à travers le monde à instaurer un revenu universel.

Leur constat est en effet implacable, rejoint par nombre d’économistes : le travail va considérablement se raréfier. Et comme, à moins de parier comme certains sur les guerres, la population active ne va pas diminuer, on est comme dirait l’autre face à un sérieux problème.

Voilà ce qui devrait aujourd’hui animer le débat public dans nos sociétés. Comment partager le travail, comment assurer un revenu décent à tous les foyers.

Mais dans la France sous Macron, et ici dans notre Département où sa majorité est toujours encline à accompagner ses politiques avec un zèle certain, on va parler de sanctionner ceux qui ne trouvent pas ou ne peuvent pas trouver un emploi.

Conditionner la solidarité, assujettir un simple petit filet de sécurité à la réalisation d’heures d’activités, qui au passage détournent le sens même de travail en échange d’un salaire proportionné, voilà bien une mesure de droite !

Nous retiendrons que c’est en Seine-Maritime où pourtant se développe la pauvreté et la précarité comme tous nos rapports le démontrent à longueur d’année, que l’on va l’expérimenter.

Et tout cela dans une période qui va connaître dans le même temps l’entrée en vigueur des nouvelles atteintes aux droits et protection (d’ailleurs devenus de plus en plus relatives), des demandeurs d’emploi.

A ce propos, il est toujours utile de souligner pour corriger la propagande gouvernementale, qu’avant cette nouvelle déformation de l’assurance chômage, l’indemnisation des demandeurs d’emploi se situe en France dans la moyenne de l’Union Européenne avec 905€ par mois représentant 46,4% du salaire médian. Donc nous ne sommes pas très éloignés du niveau du RSA…

Et rappeler aussi surtout que 36% seulement des demandeurs d’emploi touchent une allocation.

Je vous renvoie aux études publiées récemment dans la presse.

Bref avec cette délibération, dont Monsieur le Président vous aviez déjà annoncé l’esprit sans aucune concertation à l’époque il y a deux ans, nous y voilà : le loup sort du bois… La chasse est bientôt ouverte ! Après les chômeurs, place aux allocataires…

Et le premier terrain de chasse va s’implanter en plein quartiers prioritaires de la politique de la Ville au Havre où ça tape déjà fort sur les conditions de vie.

Evidemment qu’en cette période, et après toutes les alertes ignorées que nous avons relayées depuis des années à partir des mouvements sociaux notamment, la tentation est de vous dire : arrêtez avec ce type de politique qui accentuent les inégalités et affectent les plus démunis.

Comprenez enfin que ce sont aussi ce genre de mesures qui alimentent la colère, le dépit, la défiance dont se gave l’extrême-droite.

Le revenu minimum d’insertion créé en 1989 sur lequel s’est inspiré le RSA, non sans l’avoir déjà détourné de son principe : c’était le revenu lui-même qui insérait. Le bénéficiaire des minima sociaux n’avait pas à faire preuve de bénévolat avant de recevoir la prestation, mais celle-ci pouvait être suspendue dans quelques cas, et en cas de manquement manifeste.

Car on ne peut pas demander une juste contribution à ceux qui sont justement empêchés de contribuer pour des questions de santé, de mobilité, de manque de formation ou manque d’emploi leur correspondant.

On nous répond : le RSA c’est de l’argent public et cela demande donc des contreparties. Ah oui ? Et les milliards et les milliards d’argent public offerts aux grandes entreprises et qui alimentent les salaires mirobolants des dirigeants et actionnaires ? Elles sont où leurs contreparties ?

Avec la mise sous condition du RSA on sort du rationnel pour entrer dans le dogmatique.

Sinon vous entendriez ce que disent nombre d’associations et de professionnels.

Ces associations alertent sur les effets pervers de cette orientation. Je cite leur communiqué : « Inquiets des conséquences sur les personnes de cette nouvelle sanction temporaire, avec la diminution de l’allocation, qui peut devenir définitive au bout de trois mois, il y a des lignes rouges que nous n’allons pas franchir » disent-elles.

Sans compter qu’à l’évidence, ce dispositif va aussi considérablement accroitre le non-recours et le développement du système D qui existe déjà dans nos quartiers et dont on sait combien il peut poser bien des problèmes…

Déjà actuellement il n’est pas possible d’accompagner tous les allocataires vous le savez bien, les chiffres issus du rapport d’activités des services que nous étudierons tout l’heure le montrent bien.

Et on va nous faire croire que d’un coup de baguette magique on va trouver pour chacun 15 heures d’activités ?

Il va falloir en recruter des conseillers !!

La délibération acte aussi cela puisqu’il est indiqué que sur les quartiers qui vont subir cette expérimentation, un référent aura en charge le suivi de 50 à 70 allocataires. Contre 127 en moyenne habituellement pour un référent en Normandie.

Le calcul est vite fait, une généralisation de cette mise sous condition du RSA induirait un doublement des effectifs des conseillers.

Mais là où franchement, j’ai bondi de ma chaise en lisant ce rapport, c’est quand j’ai vu qu’en échange des 15 Heures d’activités imposés aux bénéficiaires, ceux-ci pourront compter sur un accompagnement direct dans les différents domaines facilitant leur insertion professionnelle (logement, garde d’enfants, maîtrise de la langue…).

Or cet accompagnement dans le détail, c’est exactement ce à quoi devrait pouvoir prétendre actuellement tout bénéficiaire du RSA, sans condition !

Bref n’en jetez plus la coupe est pleine, elle déborde même. Vous l’aurez compris notre groupe s’oppose fermement à cette mise sous condition du RSA et votera contre cette délibération.

Dommage, il y avait dans les deux premiers volets de cette contractualisation avec l’Etat pour améliorer l’insertion et le retour à l’emploi, quelques éléments intéressants notamment pour le développement de l’offre d’insertion.

Cependant, et malgré tout, nous souhaitons vous exposer une proposition dans le cas probable où vous vous entêteriez à maintenir cette mise sous condition du RSA. Et c’est en plus une proposition qui ne couterait rien et qui serait excellente pour la santé.

Tout le monde reconnait, surtout en cette période des Jeux Olympiques, les bienfaits de la pratique sportive pour la santé, le moral et donc pour le travail ! Et personne ne peut nier que faire du sport c’est une bel et bien une activité. Raison pour laquelle nous proposons que la pratique sportive, la marche à pieds comprise, soit intégrée et décomptée dans, je cite « l’accompagnement individualisé et intensif de 15 heures d’activités hebdomadaires » qui serait imposée aux bénéficiaires du RSA. »

Pour télécharger l’intervention de Sophie HERVE : Non au conditionnement du RSA – SH

Sébastien

Les commentaires sont fermés.