Pour la traditionnelle séance des débats de politique départementale en ouverture du Conseil départemental du 28 mars, le groupe de la Gauche combative, communiste et républicaine a choisi comme thème : « Enfance/Jeunesse : pas de coupes budgétaires mais de l’audace ! ».
L’occasion pour Séverine Botte de dénoncer les restrictions de budget que le gouvernement vient d’annoncer, notamment en défaveur de l’Education Nationale, de refuser le principe des classes à double niveaux en collège qui instaureraient une véritable ségrégation sociale, mais aussi d’argumenter pour convaincre le Conseil d’expérimenter en Seine-Maritime la création d’un Revenu minimum pour les jeunes, à l’image de mesures analogues prises avec succès par plusieurs autres départements en France…
Pour visionner l’intervention de Séverine BOTTE : Priorité à la jeunesse vidéo – SB
« Rarement un Ministre de l’économie ne se sera autant trompé dans ses prévisions sur lesquelles ont reposé la construction du budget annuel de l’État… ignorant au passage les recommandations de l’OCDE, de l’INSEE et même de la Banque de France, excusez du peu…
Monsieur Le Maire, fervent libéral de son état, traverse les gouvernements, je serai tenté de dire les époques, emportant avec lui toujours plus d’austérité. Résultat, il annonce 10 Milliards de coupes budgétaires, première étape d’un plan plus important allant jusqu’à 20 Milliards en 2025.
Malgré les urgences climatiques et sociales, malgré les crises multiples dans la santé, le logement, l’éducation, le sport, malgré l’état de nos services publics. Ce plan d’austérité laisse craindre le pire avenir pour les finances de notre Département.
Et dans l’œil du viseur, la jeunesse et l’éducation.
Le budget de l’Education Nationale est amputé de 692 Millions. Celui de la recherche et de l’enseignement supérieur de 900 Millions. L’accès au logement de 300 Millions. C’est reparti pour un tour, on taille dans la dépense publique sans se préoccuper de la recette publique…
On oublie que les aides aux entreprises représentent sous Macron 200 Milliards d’argent public sans aucune contrepartie (chiffre « Les Echos »). Un record absolu. C’est devenu le premier poste budgétaire de l’État. Ici on peut voir où se place la grande cause nationale.
En comparaison, l’Education Nationale et la jeunesse, c’est un budget de 82 Milliards…
Il existe 1.350 dispositifs d’aides publiques financières pour le secteur privé selon un chiffre établi par la Gazette des communes.
Et que dire du budget de la guerre et ses 64 Milliards en 2024 ? De cet effort sans précédent de 413 Milliards en faveur des armées et de l’armement que va coûter la loi de programmation militaire 2024/2030 votée l’année dernière ?
A elle seule, la modernisation de la bombe atomique coûte 14 Millions… par jour !
On le voit bien, malgré la com gouvernementale, le pays n’est pas au bord de la faillite en raison des comptes publics, mais nous payons des choix politiques, idéologiques. Et pendant ce temps, la jeunesse et l’éducation vont encore trinquer.
Commençons par le sport, qui voit ses crédits rabotés de 50,5 millions, crédits qui financent, entre autres, la construction et la rénovation d’équipements sportifs ou encore le dispositif Pass’Sport.
Poursuivons avec la médecine scolaire qui a un rôle fondamental à jouer pour la santé des enfants, en termes de prévention et d’action, pour leur réussite scolaire et leur épanouissement. Ce n’est pas pour rien, que les enfants de moins de 6 ans bénéficient de 20 consultations obligatoires
On le sait, si les troubles, les handicaps sont détectés trop tardivement cela entrave les premiers apprentissages et aboutit à l’échec scolaire par la suite. Je vais prendre un exemple concret dans mon canton à Oissel mais qui peut hélas être transposé à d’autres territoires.
Si les infirmières puéricultrices de PMI organisent des bilans de santé auprès des enfants âgés de 3 à 4 ans scolarisés, après son départ le médecin scolaire n’a, quant à lui, pas été remplacé. Cela a pour conséquence qu’en cas de problème détecté par les infirmières ou les enseignants, les familles ne peuvent plus être dirigées vers le médecin scolaire de secteur. Or, ce premier avis médical, avec un rendez-vous de proximité en PMI, est un moment crucial pour les parents qui peuvent comprendre auprès d’un professionnel, la nécessité d’une prise en charge par un spécialiste.
La médecine scolaire en élémentaire, au collège qui elle dépend de l’éducation nationale n’a rien à nous envier. Il faudra donc être prudent sur le projet de l’État de transférer cette compétence aux départements. Le risque est trop grand de voir une nouvelle responsabilité sans moyens supplémentaires et cela au détriment de la jeunesse !
L’École est également malmenée dans son volet éducation : comment ne pas évoquer la nouvelle réforme du « Choc des savoirs » et le tri social qui l’accompagne : quand on classe les élèves par niveau, quand les professeurs nous disent qu’ils seront contraints de faire « des classes de dyslexiques » avec ce système, quand les enfants attendent une AESH pendant des années…on rompt le contrat social dans lequel les institutions républicaines doivent lutter contre les inégalités sociales.
Avec cette réforme, on oublie l’importance et les bienfaits de l’hétérogénéité des classes pour la progression scolaire des élèves qu’ils soient « forts ou faibles ». Sur le plan humain, on oublie que l’école est aussi le lieu de l’expérience de la sociabilisation, de la confrontation aux différences…
Au-delà des groupes de besoins, la réforme prévoit également que les collégiens n’ayant pas le brevet ne puissent pas être admis en seconde générale, ils iront en classe de préparation à la seconde (classe Prépa Lycée).
Là encore avec un nombre de classes limitées. Au-delà de la mesure complètement hors sol du point de vue scolaire, se pose la question de la localisation de ces classes si peu nombreuses (et les questions de transports, logements, statut d’interne ? Qui vont avec…).
L’école de la république qui a été historiquement construite comme une école de l’égalité, laïque devient tout le contraire et l’uniforme ne sera pas de nature à masquer ces inégalités qui sont profondes.
L’État délaisse la jeunesse dans les devoirs les plus essentiels que nous avons, nous adultes à son égard, que sont l’éducation, la protection, la santé, le sport.
Cet abandon se poursuit presque logiquement pour les jeunes adultes :
- Selon l’étude de l’INSEE publiée l’année dernière, le taux des jeunes sans emploi qui ne sont pas en études ou en formation est de 16,5% à 21 ans, et de 18,3% à 24 ans… Près d’un jeune sur cinq !
- Pour ceux qui poursuivent des études, 20% des étudiants vivent en dessous du seuil de pauvreté.
- Seuls 38% des étudiants perçoivent une bourse et 19% doivent travailler plus d’un mi-temps alors que nous savons que le cumul emploi études est un frein à la réussite.
Cette réalité est inacceptable dans un pays qui n’en finit plus de battre des records de richesses, conduit à rendre fictive la notion même de majorité civile, car nombre de jeunes demeurent en état de mineur social. Dans ce contexte, nous vous demandons Monsieur le Président d’autoriser l’étude que nous ne cessons de proposer, en vue de l’expérimentation d’un Revenu d’autonomie pour les jeunes en Seine-Maritime.
Pour des raisons purement dogmatiques, les gouvernements libéraux successifs, se refusent à ouvrir le RSA au moins de 25 ans créant ainsi une distorsion évidente en matière d’accès aux droits.
En effet, à 18 ans on devient adulte pénalement, civiquement et on est donc censé jouir de l’ensemble des droits sociaux. Sauf que l’on est privé d’une prestation sociale, au seul motif que l’on ait moins de 25 ans. C’est non seulement absurde mais abusif.
Face à la pression, le gouvernement a cherché à faire diversion en instaurant les Contrat engagements jeunes qui n’ont fait qu’élargir à la marge l’ancien dispositif « Garantie Jeunes », tournée vers l’accès à l’emploi.
Cet accompagnement ne dure cependant que sur six ou douze mois et n’est rémunéré qu’au maximum à 500 euros par mois, en échange de 15 à 20 heures de formations par semaine.
Le gouvernement en a tiré un bilan très encourageant… mais l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) en fait un bilan bien plus mitigé à partir des 301.000 contrats conclus.
Mais au-delà des considérations sur tel ou tel dispositif, c’est bien le principe même de minorité sociale qui n’a aucun sens. Il ne s’agit donc pas de juger l’opportunité d’un dispositif comme le RSA pour les jeunes, mais bien de mettre fin à une discrimination dans l’accès à un droit.
La Métropole de Lyon a mis en place un Revenu de Solidarité jeune en 2021 qui a permis à des jeunes de moins de 25 ans de percevoir une allocation de solidarité jusqu’à 420 € par mois. Les résultats sont probants.
Depuis le mois de juillet 2022, le Département de Loire-Atlantique expérimente un Revenu jeunes pour ceux qui ne peuvent pas bénéficier du soutien familial et se retrouvent sans ressource suffisante.
Cette aide pouvant aller jusqu’à 500 € et l’accompagnement mis en place, permettent à ces jeunes de faire face à leurs besoins et de favoriser leurs études, leur mobilité, leur accès à un logement…
Un premier retour d’expérience a eu lieu et a démontré la pertinence et l’utilité de ce dispositif. D’autant que la communication qui l’a accompagné a permis à nombre de jeunes en situation difficile de se faire connaître et d’être orientés vers d’autres dispositifs ou aides sociales.
Mais surtout, la moitié des bénéficiaires de ce Revenu jeunes ont pu sortir de ce dispositif au bout de quelques mois.
Le Département de Meurthe-et-Moselle va quant à lui expérimenter un Revenu d’émancipation jeunes de 500 € pour les 16-25 ans. Seront éligibles les jeunes ayant peu ou pas de revenu.
Nous devrions à notre tour y travailler.
Pour notre part, nous préconisons l’expérimentation d’une Allocation autonomie de 800 € sous condition de ressources, pour les 18-25 ans, d’une durée de 3 ans notamment si ceux-ci ne sont plus rattachés au foyer fiscal de leurs parents.
Mais nous sommes prêts à travailler sur tout autre contenu, tant que ce chantier est ouvert.
Notre collectivité met en place des dispositifs destinés aux jeunes, que vous qualifiez d’ambitieux avec des objectifs tels que Département acteur majeur, pour réunir et articuler toutes les forces en présence afin d’être à l’écoute des besoins des jeunes du territoire ; afin de favoriser leur autonomie ; et de promouvoir la citoyenneté et l’engagement mais il s’agit désormais d’aller plus loin, tout en collant parfaitement à vos ambitions et en faisant de la jeunesse une priorité.
Et c’est pourquoi nous vous demandons, de plus, de reconduire a minima les dispositifs en direction de la jeunesse malgré les signaux de coupes budgétaires envoyés par l’État, de nous donner les garanties sur les moyens mis en œuvre pour la santé des enfants, en bref d’instaurer le principe du « quoi qu’il en coûte » pour la jeunesse de notre Département. »
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