Orientations budgétaires 2024 : Joachim Moyse appelle au sursaut et à la mobilisation générale pour exiger notre dû auprès du Gouvernement

Orientations budgétaires 2024 : Joachim Moyse appelle au sursaut et à la mobilisation générale pour exiger notre dû auprès du Gouvernement

Le Conseil départemental du 22 février débattait de ses orientations budgétaires, un mois avant la présentation du budget annuel de la collectivité départementale. Face aux fortes inquiétudes exprimées par le Président du Conseil en raison de l’insuffisance des ressources et de la pression sur les dépenses, Joachim Moyse, au nom des élus du groupe de la Gauche combative, communiste et républicaine, l’a invité à sortir de sa complaisance affichée envers le gouvernement « celui-ci étant clairement responsable de la dégradation des moyens d’agir du Département et des communes », pour aller réclamer auprès de l’Etat la dette qu’il a contracté auprès des seinomarins.

Puis Joachim Moyse s’est opposé à deux orientations affichées par la majorité des droites : le gel des effectifs malgré des besoins à couvrir en hausse, et une pression inacceptable annoncée sur la gestion et donc sur l’autonomie des organismes partenaires du Département.

Il a conclu en rappelant diverses propositions fortes portées par les élus de la Gauche combative afin que le Département renforce ses actions en développant des politiques novatrices, lisibles et utiles, tout en précisant : « je ne pense pas à la proposition rétrograde d’expérimenter l’uniforme dans les collèges en engageant des dépenses inutiles »

Il en a d’ailleurs profité pour souligner ce que les élus de son groupe ont réussi à faire avancer ces derniers temps avant d’ajouter : « Vous faites ainsi la démonstration qu’après une première marque de surdité à nos demandes, vous finissez par les reprendre à votre compte. C’est la preuve que nous avons raison d’être persévérants et constants dans nos interventions. »

L’intervention complète de Joachim Moyse :

« Monsieur le Président, Chers collègues,

Comme dans nos communes, ce débat d’orientations budgétaires départementales 2024, s’inscrit dans un contexte dégradé, mêlé d’inquiétudes et d’incertitudes pour assurer les missions essentielles à la vie des habitants et de nos territoires.

Clairement, les chiffres économiques de l’inflation et du chômage ne sont pas bons.

Les prévisions de croissance farfelues du Ministre de l’économie sont revues à la baisse tant par l’OCDE que par la Banque de France et l’INSEE. La fin de la forte inflation, qu’il avait annoncée pour 2024 est désormais décalée à 2025… Le renchérissement du coût du crédit entraine aussi des charges financières plus lourdes. Pourquoi l’État n’accompagne-t-il pas les collectivités et en particulier les départements pour y faire face ?

Clairement aussi, dans ce contexte inflationniste, le pouvoir d’achat des ménages est laminé et les besoins sociaux explosent.

La pauvreté et la précarité augmentent au regard des demandes dans nos CCAS, dans les associations caritatives ou en constatant la croissance de population en Quartiers prioritaires en Seine-Maritime. Pendant que les riches s’enrichissent, pourquoi l’État ne soutient-il pas davantage les départements qui sont les collectivités des solidarités directement en prise avec les besoins sociaux ?

Clairement toujours, les collectivités locales sont asphyxiées par des décennies de politique d’austérité.

L’Association des Maires de France a chiffré à 70 Milliards ce que les collectivités locales ont perdu depuis 2010. 70 Milliards de moyens d’agir en moins. Dans la loi de finances pour 2024, le périmètre global des concours de l’État aux collectivités territoriales est encore diminué pour qu’elles contribuent au redressement des comptes publics.

Vous-même Monsieur le Président, vous rappelez dans ce rapport que près de 124 Millions de hausse de dépenses structurelles sont supportés par notre Département depuis 2021, en raison des décisions gouvernementales non compensées.

Pourquoi l’État remet-il en question le principe de libre administration des collectivités et de notre département en particulier ?

Avec l’inflation qui perdure, des besoins sociaux qui explosent et des décisions de l’État qui ne sont pas compensées, les dépenses augmentent, et les recettes incertaines (TVA, DMTO…) ne suivent pas. Alors notre collectivité des solidarités se trouve prise en plein effet ciseau.

Même si nous continuons d’estimer, au regard notamment des résultats des comptes administratifs de la Seine-Maritime, que des marges de manœuvre subsistent, ce  n’est malheureusement plus le cas pour nombre de communes.

Pourtant, à vous lire Monsieur le Président, en introduction de ce rapport, tout cela serait la faute à pas de chance, aux crises qui nous tombent dessus sous les effets de la fatalité…

Bien au contraire, le contexte décrit dans ce rapport témoigne d’un échec cinglant des actions et des inactions gouvernementales sous la Macronie, lié à la maltraitance envers les collectivités, ainsi qu’en matière de résolution durable des crises auxquelles nous sommes confrontés.

Cette complaisance envers le gouvernement n’est pas acceptable et il faut pointer sa responsabilité. Aujourd’hui, les conséquences néfastes de cette politique, que nous dénonçons depuis 2017, sont prouvées par la réalité des chiffres. Alors c’est aujourd’hui, Monsieur le Président, qu’il faut sortir du silence et demander des comptes à l’État et au gouvernement.

Je sais que cela n’est pas facile puisque vous les soutenez. Mais vos copains vous lâchent en lâchant les départements et le nôtre en particulier. C’est donc de votre responsabilité de hausser le ton et de leur dire : STOP, arrêtez la casse et payez votre dette.

Il faut aussi arrêter de croire à leurs fables sur l’éradication de la pauvreté, sur le plein emploi, sur la stigmatisation des plus pauvres, sur le prétendu nouvel ELAN pour solutionner les problèmes de logement…

Cette loi ELAN débouche finalement sur une crise sans précédent dans le secteur public du logement social mais aussi dans le secteur privé que cette loi servait pourtant généreusement. Quelle ingratitude…

Heureusement pour la droite, le gouvernement Attal vole au secours des villes SRU. Elles auront moins d’efforts à faire en intégrant des logements privés intermédiaires aux quotas de logements sociaux à atteindre.

Autre fable sur la solidarité, je veux parler du niveau de couverture par l’État du versement des allocations obligatoires. L’État fixe seul les montants et les conditions d’accès, et il n’en finance désormais que le tiers.

Les deux tiers restants sont donc à la charge des départements sur leur propre budget, alors qu’il y a quelques années, l’État couvrait 90% de ces dépenses obligatoires.

Cela constitue clairement un désengagement de plus, un transfert de charges non compensé. Mais cela constitue aussi une dette contractée par l’État envers les collectivités départementales et leurs habitants.

La réponse n’est sûrement pas de chercher à se débarrasser du problème en lui demandant de recentraliser le suivi de ces dispositifs, mais au contraire d’exiger que la solidarité nationale s’exerce pleinement en compensant à l’euro près cette charge pour les départements.

Dans ce contexte dégradé, vous nous proposez diverses orientations avec des beaux intitulés : « pour être au rendez-vous de nos compétences, à tous les âges de la vie », « pour faire face aux besoins des territoires », « pour maintenir une qualité de service » etc… Nous souscrivons bien sûr à ces objectifs, mais pour qu’ils ne restent pas un simple affichage, encore faudrait-il que nous soyons en mesure d’aller chercher notre dû…

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Concernant les orientations budgétaires proposées, vous préconisez ce que de nombreuses communes font également sous la contrainte d’un pouvoir d’agir menacé : une planification renforcée, une priorisation des investissements, la généralisation de la recherche de financements et de subventions, etc…

En complément de ces démarches plutôt raisonnables, vous souhaitez mettre en place une évaluation de l’efficience des politiques publiques départementales en corrélation avec leurs coûts en partant de l’expérimentation 2023 « Budget Base Zéro » et en l’élargissant.

Ce travail qui s’apparente à une préconisation de la Cour des comptes ne nous gêne pas plus que cela puisque nous sommes partisans de l’évaluation de l’utilisation de l’argent public, en particulier quand il se dirige vers le secteur privé. Encore faut-il en définir collectivement les critères et les indicateurs pour écarter ceux prônés par les libéraux guidés par la réduction de la dépense publique. Je propose pour ces critères par exemple, le niveau de satisfaction ou d’attente des habitants, le bien-être des habitants etc…

En matière de dette, les engagements prévisionnels d’emprunt sont difficilement lisibles dans le rapport puisqu’ils ne tiennent pas compte de la reprise à venir sur l’excédent, ce qui est trompeur sur l’effort de financement qui sera réellement engagé par l’emprunt pour l’investissement en 2024.

Je note au passage que ce recours à l’emprunt a été très timoré pendant que les taux étaient historiquement bas avant 2023 ; c’est d’autant plus dommage que les taux récents plus élevés créent des charges financières supplémentaires.

Enfin, concernant les ratios de complaisance vis-à-vis des financeurs bancaires, il est regrettable de se vanter d’avoir la dette la plus basse depuis 15 ans. Ça veut dire que vous auriez pu faire mieux et plus vite avant ; par exemple, pour accélérer la rénovation des collèges.

Nous craignons d’ailleurs que les investissements pour 2024 soient une variable d’ajustement des dépenses parce que c’est un sujet qui est peu traité dans le rapport. Nous savons que les besoins restent nombreux même si actuellement des progrès importants sont faits notamment pour les collèges ou le SDIS…

Une autre variable d’ajustement pour maitriser les dépenses, c’est votre boussole gestionnaire et comptable qui se cale sur la masse salariale.

Après avoir supprimé quasiment 400 postes au sein de la collectivité sous l’ancien mandat, des créations ont certes été réalisées depuis 2021. Sauf que dans tous nos rapports d’orientations et d’actions destinés à répondre aux urgences et aux besoins, comme ce matin pour la protection de l’enfance, on mesure bien que cela passe par des emplois supplémentaires, pour renforcer les équipes, compléter les compétences, assurer les continuités de services etc…

Or comment répondre aux objectifs fixés et aux besoins actuels à effectif constant ?

Nous refusons ce gel dogmatique des effectifs qui ne nous semble pas cohérents avec les ambitions marquées. Ou alors nous restons dans de l’affichage.

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L’autre orientation qui nous interpelle concerne nos partenaires.

Vous affichez une volonté de forte exigence de notre collectivité envers eux pour rendre un service public toujours plus performant. D’où une orientation consistant à renforcer les contrôles et nos exigences, tout en vérifiant leur situation financière saine… Cela ressemble bien à un audit sans le dire.

Je ne suis pas sûr que le mot de « partenaire » soit bien approprié pour qualifier tous ces organismes, qui sont comme mis sous tutelle avec cette méthode d’audit.

Ces partenaires dénoncent une complexification des procédures auxquelles ils sont soumis pour accéder à des financements. Les Conventions d’objectifs et de moyens (CPOM) qui leur sont imposés, viennent alourdir leur charge administrative au détriment de leurs actions utiles au quotidien. Il en est de même pour les appels à projets.

C’est le cas pour les Centres sociaux qui dénoncent depuis des mois ces contraintes de gestion dans un contexte de dégradation des moyens pour agir afin de faire face à l’augmentation des difficultés sociales des habitants.

Enfin, il serait équitable que les collèges privés fassent l’objet du même contrôle renforcé que vous nous annoncez pour l’utilisation des financements publics départementaux.

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Ce débat d’orientations budgétaires est également l’occasion pour nous d’insister de nouveau pour que notre département renforce les actions utiles et développe des politiques novatrices. Au-delà des schémas et des plans qui structurent les politiques publiques départementales, il faudrait aller plus loin en expérimentant des réponses nouvelles et progressistes.

Alors évidemment, je ne pense pas à la proposition rétrograde d’expérimenter l’uniforme dans les collèges en engageant des dépenses inutiles.

Je fais allusion à l’instauration d’un revenu universel pour les jeunes, à la création de centres de santé avec médecins salariés dans les déserts médicaux, à la création d’un service public des métiers du lien, du recrutement des AESH par notre collectivité pour les faire bénéficier d’un vrai statut, sans précarité, du rétablissement des bourses pour les collégiens ou encore de l’ouverture de tous nos dispositifs de solidarité aux travailleurs pauvres.

Des choses avancent, et nous contribuons à cela. C’est le cas par exemple de la mise à disposition gratuite des protections menstruelles dans les collèges que nous avions proposés et qui va être généralisée à la rentrée. Ou encore de la mise en place du tarif unique de restauration en regrettant néanmoins que le niveau retenu ait entrainé une hausse pour une partie des familles de nos collèges.

On pourrait également citer l’élargissement de l’Aide à la restauration, l’ACRI, qui est en cours de finalisation, ou le véritable sauvetage du Fonds de solidarité logement par la réactualisation de ses barèmes d’accès dont il aura fallu attendre 6 années de baisse constante avant de vous voir réagir.

Vous faites ainsi la démonstration qu’après une première marque de surdité à nos demandes, vous finissez par les reprendre à votre compte. C’est la preuve que nous avons raison d’être persévérants, tenaces et constants dans nos interventions.

C’est pourquoi nous insistons pour demander la mise en place de groupe de travail sur tous les sujets que je viens d’évoquer pour les expertiser et examiner ce qui est fait dans d’autres départements.

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Un dernier mot pour souligner le grand absent de ce rapport, la MDPH.

Malgré un renforcement de ses moyens, et une implication importante de ses agents et de notre collègue Thibaudeau-Rainot, les instructions des demandes et les réponses apportées ne se font toujours pas dans des délais raisonnables.

A l’occasion du vote de notre prochain budget, nous demandons une analyse précise de la situation avec les moyens actuellement mobilisés ainsi que l’engagement d’un travail pour proposer un plan d’action. »

Pour visionner l’intervention de Joachim MOYSE : DOB 2024 vidéo  – JM

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Sébastien

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