Projet Régional Santé (PRS) 2023-2028 : avis défavorable des élus de la Gauche combative

Projet Régional Santé (PRS) 2023-2028 : avis défavorable des élus de la Gauche combative

Présenté par le Directeur de l’Agence Régionale de Santé Normandie devant le Conseil départemental du 12 octobre, le nouveau Projet Régional de Santé (PRS) fixe, sur la période 2023-2028, des objectifs opérationnels pour l’offre de santé sur la région, un programme d’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies, ainsi qu’un cadre d’orientation stratégique prenant en compte les spécificités régionales en matière de santé. Il se propose notamment de réduire les inégalités sociales de santé, de s’adapter aux spécificités des territoires afin de réduire les inégalités territoriales, ou encore de piloter et d’évaluer le service rendu aux usagers en matière de santé…

Présenté comme cela, qui pourrait s’y opposer ? Sauf qu’en y regardant de plus près, et au-delà de la mine d’informations qu’il comporte, ce PRS est bien creux face aux urgences sanitaires. C’est le constat amer qu’en a tiré le groupe de la Gauche combative, communiste et républicaine, par la voix de son président Nicolas Langlois.

« Monsieur le Directeur, chers collègues,

J’ai déjà eu l’occasion de le dire au nom de mon groupe, le sujet en débat, la santé, le droit à la santé, est sûrement la première des préoccupations des habitants.

Être en bonne santé, agir en prévention, avoir les bons comportements, se sentir accompagné, et même protégé, être reconnu dans sa particularité, quelle qu’elle soit, tout cela change la vie, permet de se projeter, de porter des projets, de s’épanouir.

A l’inverse, quand tout cela n’est pas possible, quand la réponse de santé est éloignée, voire inexistante, quand tout relève d’un parcours du combattant, qu’il s’agisse d’une grippe, d’une dent à soigner ou plus grave d’un cœur malade, d’un handicap à prendre en charge, l’épanouissement laisse la place à de l’inquiétude, au repli, et aux inégalités.

Si nous ne devions retenir qu’un seul chiffre de tout ce rapport, c’est celui de l’écart d’espérance de vie entre les 5% les plus riches et les 5% les plus pauvres : 13 ans d’écart chez les hommes, 8 ans chez les femmes.

Vous savez comment cela se traduit dans un département ouvrier, rural et populaire comme le nôtre, les fractures qui en découlent…

Ce Projet Régional de Santé 2023-2028 est un pavé de bonnes intentions.  Nous pouvons même reconnaître qu’il contient un condensé des remontées des territoires, des propositions d’élus et d’associations.

Chacun ici ne peut, à notre sens, que partager les objectifs, et les axes. Je vous épargne donc leur relecture.

Mais il y a quelques manques ou points de vigilances et réflexions que je souhaite partager avec vous.

Le premier concerne l’aménagement du territoire, l’organisation des territoires et la démocratie sanitaire santé. Ce projet aurait dû réaffirmer l’organisation territoriale actuelle, fruit d’une ancienne mobilisation des précédents maires des territoires havrais et dieppois, il y a quelques années quand il s’agissait de réunir tout le monde dans un grand territoire rouennais et métropolisé. Cette organisation actuelle reste pertinente et à faire vivre.

Rien non plus sur la question de la psychiatrie. Nous en avons parlé ce matin, c’est une inquiétude partagée par les professionnels et la population. Les conséquences du Covid sont graves, et la situation déjà préoccupante auparavant. Mais il n’y a aucun engagement, ni signe avant-coureur dans ce PRS sur le rattrapage de la sous-dotation de territoires et de Centres Hospitaliers. Sous dotés, sous-financés, parfois de 2 à 3 fois moins que d’autres, c’est le cas entre Dieppe et Le Havre par exemple. Pourtant, nos habitants et les professionnels du secteur de la psychiatrie ne méritent pas moins, mais autant que les autres.

Le PRS évoque la complémentarité Public/Privé, la nécessité de ne pas se concurrencer…

Personne ne s’y oppose, sur le principe. Mais attention à ce que cette bonne intention ne conduise à une complémentarité déséquilibrée, aux bénéfices des cliniques qui se chargeraient des actes nobles et rémunérateurs, au détriment des hôpitaux publics qui se chargeraient des plus fragiles et des urgences, et que les gestionnaires aiment tous les 5 ans pointer du doigt.

Complémentarité doit rimer avec Solidarité. 

Ce PRS nous projette sur la période 2023-2028.

En 2025, 2.000 salariés seront au travail sur le plus grand chantier d’Europe à Penly. 3.000 en 2026, pour dépasser les 8.000 au pic du chantier. Je n’ai rien lu sur cet enjeu de santé, aucune anticipation pour conjuguer l’accès aux soins des habitants du territoire et de ses salariés de demain. Monsieur le Directeur, je sonne solennellement l’alarme. Personne ne pourra dire qu’il ne savait pas quand nous serons au pied du mur. Il faut vite une estimation collective et partagée des futurs besoins, et y répondre ensuite avec des mesures fortes, des choix régionaux et nationaux forts, des moyens humains et financiers en urgence.

Nous avons appris la semaine dernière la création de 6.000 places de répit en France. Quelles sont les déclinaisons prévues dans notre Département ? Plusieurs projets sont en construction dans nos territoires, notamment un sur le nord du département. Les porteurs de projets sont preneurs d’informations pour avancer avec vos services.

J’ai dit que ce projet était un pavé de bonnes intentions, mais il va devoir évoluer dans une France pavée de mauvaises politiques de santé, et de manque de volontarisme.

C’est bien là que le bât blesse. Non pas de votre faute, ni de celle de vos équipes de l’Agence Régionale de Santé (ARS), c’est d’ailleurs facile de taper sur les ARS pour exonérer le gouvernement les Ministres de leurs responsabilités…

La Fédération Hospitalière de France estime à 3 milliards le complément budgétaire nécessaire pour finir l’année 2023 !

Elle chiffre à 5 Milliards l’effort nécessaire pour 2024 dans l’objectif national de dépenses de l’Assurance Maladie. 

Et si elle l’écrit en ce moment, si elle alerte, c’est parce que le PLFSS 2024 (Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale) n’est pas à cette hauteur.

Nos hôpitaux, et plus particulièrement nos Centres Hospitaliers sont asphyxiés. Les personnels extrêmement engagés sont aussi extrêmement épuisés. Ce n’est pas une crise de vocation ou des métiers. C’est un gâchis de leur vocation et de leur travail.

C’est une crise de l’hôpital malade de la tarification à l’activité dont on peine à voir la sortie.

Nos Ehpad et leurs personnels sont vampirisés par l’inflation et les conséquences du Ségur, non totalement compensées. Certains présidents-Maires envisagent même de porter plainte, comme en Bretagne, parce qu’ils sont angoissés par les déficits dont il est impossible de sortir dans le contexte actuel.

« On va droit dans le mur » nous dit courageusement le Directeur de l’Ehpad du Bois Joli aux Grandes Ventes.

Il est nécessaire de réévaluer rapidement les besoins pour aujourd’hui et pour demain, au regard du vieillissement de notre population, pour que dès maintenant des places nouvelles se construisent.

160.000 seinomarins n’ont pas de médecin traitant. Nous pouvons écrire ce que l’on veut, mais tant que nous n’augmenterons pas de manière significative les capacités d’accueil de nos Facultés de médecine, tant que nous n’exigerons pas que les médecins s’installent prioritairement là où les déficits démographiques sont les plus forts, tant que je nous n’assumerons pas la bascule d’une réponse quasi libérale de santé en ville à une réponse mixte, libérale évidemment mais avec un salariat affirmé, assumé et financé, nous ne nous attaquerons pas aux racines du problème.

Nous émettrons donc un avis défavorable à l’occasion de ces échanges. 

Non pas un avis défavorable à nos relations de travail, et aux projets à faire avancer.

Mais un Non à cette situation qui porte tant de souffrances, d’un mode de financement de notre système de santé qui ne part pas des besoins identifiés, mais des injonctions du Ministère des Finances et des notes des agences de notation.

Un NON à cette politique gouvernementale qui aggrave les inégalités et ne comblera pas les 13 et 8 années d’espérance de vie en moins pour les plus pauvres de notre pays et de notre département.

Un NON en soutien de tous les personnels qui prennent soin de nous au quotidien et qui n’en peuvent plus.« 

Des critiques, des oublis et des carences également relevés par les autres groupes politiques du Conseil départemental qui a émis un avis défavorable sur ce Projet Régional de Santé (PRS), le groupe majoritaire de Droite ayant émis un favorable « avec réserves », les 4 autres groupes s’étant prononcés défavorablement.

Pour télécharger l’intervention de Nicolas LANGLOIS : PRS 2023 2028 – NL

Sébastien

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