Le groupe Agir ensemble au Département a choisi pour thème du débat qu’il a animé au début du Conseil départemental du 12 octobre : « Crise des métiers de l’humain : quelles avancées sociales dans l’intérêt de nos publics vulnérables ? ». Pour le groupe de la Gauche combative, communiste et républicaine, et malgré quelques avancées en matière de rémunération, le compte n’y est pas. Il réclame un plan d’urgence en faveur de ces métiers essentiels et a rappelé plusieurs de ses propositions concrètes par la voix d’Alban Bruneau.
« Je pense qu’il est inutile de revenir et de documenter ce matin le constat de perte d’attractivité que subissent les métiers de l’humain, de ces métiers essentiels au service des plus vulnérables, métiers du lien, métiers du soin, soin pas seulement limité au sens médical, métiers de l’accompagnement, de la préoccupation, de l’attention.
Nous le savons tous et nous le vivons tous dans nos responsabilités ici au Département comme dans nos communes.
En revanche, avant de développer sur les décisions nécessaires pour les rendre de nouveau attractif, pour en finir avec les tensions vécues dans les recrutements des secteurs de la santé, du social, du médico-social, de la petite enfance ou de l’enseignement, tensions qui forcément se reportent sur les personnels en poste et sur les usagers, il m’apparait important de nous arrêter sur les causes.
Parce que, pour notre part, nous ne croyons pas à la fatalité ni au caractère supposé conjoncturel de ces tensions.
Et parce que, pour notre part, nous estimons qu’au-delà de la prise de conscience indispensable pour agir, prise de conscience qui à notre goût fut très tardive, malgré les alertes, innombrables et dans la durée, notamment des agents et de leurs organisations syndicales, on ne peut traiter ce problème à coup de mesurettes et de câlinothérapie verbale, mais au contraire en s’arrêtant sur les causes qui ont produit ces effets.
Car il s’agit bel et bien d’une crise, d’une crise des vocations, une de plus, et comme toute crise on ne peut la traiter sans partir de la racine du problème.
Mes convictions communistes me font penser que c’est d’abord le résultat d’une crise plus grande, celle de notre société capitaliste et libérale, malade du capitalisme et du libéralisme, qui en voulant servir l’inhumain d’abord, j’entends par là les richesses et le profit, a fini par déliter, délier, déshumaniser les relations et les interactions entre les citoyens.
Appliquées au service public, aux missions de service public, ces logiques ont eu un effet catastrophique, dont celui de la perte d’attractivité qui nous oblige aujourd’hui à inventer des solutions, à prendre des mesures pour corriger.
Et le schéma d’amélioration de l’accessibilité des services au public qui nous occupera cet après-midi est en un exemple symptomatique.
Parce ce qu’au final, les uns et sans les autres, on ne fait plus société. La crise Covid en a été encore une illustration.
Que n’a-t-on pas entendu alors depuis le sommet de l’Etat sur le « plus rien ne sera comme avant », sur le « capitalisme devenu fou » (dixit le Président de la République), sur la « vraie revalorisation nécessaire des métiers essentiels » (c’est de lui aussi) ?
La crise, enfin cette crise-là, est passée et elle aura débouché sur des bien pénibles négociations SEGUR qui, si elles ont apporté du plus, encore heureux, n’auront pas été à la hauteur des enjeux.
Sans compter l’ardoise qu’elle laisse aux collectivités déjà exsangues.
Pourtant, tous ces métiers que nous connaissons bien, méritent bien mieux. Bien mieux que des revalorisations par petites touches, des petites primes éphémères et cette précarité qui continuent à être entretenue.
Ils méritent un Plan Marshall, comme notre Etat a su en décréter un pour les banques et les marchés financiers pour les sortir de la panade de la crise de 2008, ou pour le secteur privé qui mobilise aujourd’hui le premier poste budgétaire de l’Etat à travers les aides et mesures fiscales dont il bénéficie, un comble dans une système capitaliste et libéral !
Concrètement, cela doit consister à sortir les services et missions publiques, donc leurs agents et salariés, des logiques de rationnement pour partir uniquement des besoins sociétaux à couvrir.
Et bien sûr de déterminer les niveaux de rémunérations par rapport à leur utilité sociétale. Quoi qu’il en coûte !
Dans un pays qui bat sans cesse des records de richesses sans qu’elles ne bénéficient d’abord à ceux qui les produisent, nous en avons largement les moyens.
Ne serait-ce qu’en réorientant une partie du budget de la Nation consacrée au soutien au secteur privé, vers le secteur public.
Durant des années, il n’y a pas si longtemps que cela, les prélèvements de l’Etat sur les ménages étaient proches de ceux des entreprises. Aujourd’hui, l’écart ne cesse de se creuser en défaveur des ménages.
Vouloir, et en particulier à notre niveau, agir en faveur des avancées sociales pour les métiers de l’humain, sans chercher à remettre en cause les orientations de gouvernements qui se succèdent depuis 20 ans, équivaut à écoper à la petite cuillère un bateau qui prend l’eau.
Et, au contraire, en agissant avec détermination pour lui dire « ça suffit » et exiger des changements d’orientations au nom de ce que nous constatons tous sur le terrain, nous apparait d’une impérieuse nécessité.
Pas seulement par des mots, mais aussi par des mesures pour tracer les nouveaux chemins. Des expérimentations volontaristes Monsieur le Président…
La création d’un service public départemental de l’aide à la personne que nous avons développé devant cette assemblée, exemple à l’appui.
Ou encore la création, comme d’autres départements l’ont pratiqué avec succès, de centres de santé avec médecins salariés.
Ou encore la constitution, sous l’égide du département puisque cela est désormais possible, d’un service départemental des AESH, ainsi dotés d’un vrai statut et mis à disposition de l’Education Nationale sur le temps scolaire.
Ce qui nous inquiète, ce n’est pas le rejet de telle ou telle de nos propositions, c’est le fait que malgré les constats que nos rapports de séance ne cessent de souligner, vous rejetiez systématiquement toutes ces propositions sans même les expérimenter.
Nous laissant ainsi continuer à écoper… »
Pour télécharger l’intervention d’Alban BRUNEAU : Plan d’urgence métiers de l’humain – AB