A l’occasion des débats de politique départementale, en ouverture du Conseil départemental du 9 décembre 2021, le groupe de la Gauche combative, communiste et républicaine a demandé, à travers la voix de Séverine BOTTE, que le Département intervienne sur le projet d’implantation d’une aire d’accueil pour les grands passages des gens du voyage sur la Métropole rouennaise, afin d’obtenir de son président qu’il revoit sa décision prise « unilatéralement dans l’urgence, sans étude préalable ni technique, ni environnementale, sans consultation des premiers intéressés, à proximité d’un axe autoroutier, de lignes à haute tension, sur un terrain en pente… ».
Elle a tout d’abord rappelé que « le schéma départemental d’accueil des gens du voyage 2020-2025 constitue le cadre de planification et d’action collective pour permettre aux gens du voyage d’accéder à leurs droits, selon leurs besoins spécifiques. Placé sous le pilotage de l’État et du Département, ce document doit prendre en compte la diversité des situations des ménages, qu’ils soient de passage ou présents de longue date sur le territoire de la Seine-Maritime. L’objectif inscrit dans le document est simple : prendre en compte les attentes et les besoins quotidiens des gens du voyage, être à leur écoute pour leur apporter un environnement adapté.
En effet, afin de faire coexister dans nos territoires des modes de vie différents, il nous appartient de garantir aux familles, aux enfants non sédentaires des conditions dignes pour la vie qu’ils ont choisie.
En tant qu’élue municipale à Oissel, je peux témoigner de cette volonté réelle de la municipalité qui fut l’une des premières communes de plus de 5.000 habitants à mettre à disposition, à titre gratuit, un terrain pour aménager une aire d’accueil permanente de 24 places. Ce terrain n’a pas été choisi au hasard mais en concertation avec la communauté des gens du voyage et en partenariat avec le relai d’accueil des gens du voyage, en tenant compte de l’environnement pour assurer aux personnes de bonnes conditions de vie. Depuis de nombreuses années notre ville accueille des familles, scolarise les enfants dans un climat de confiance et un dialogue régulier. »
Pour fixer les aires de grand passage, « pourtant décidées au niveau métropoles et des EPCI », cela implique en particulier « une réflexion stratégique à l’échelle du département et souvent de manière encore plus large au regard des déplacements constatés.
Se pose ici la question du dessaisissement du département d’un pan entier de sa politique d’aménagement au profit de métropoles. Des métropoles qui seraient autorisées à confisquer la décision des communes par l’absence de concertation et de dialogue avec les élus locaux. Des métropoles qui seraient investies d’un super pouvoir en faisant fi de la nécessité de promouvoir au-delà de leur territoire, et même en leur sein, un aménagement équilibré, une égalité devant le service public. »
Or les élus du groupe de la Gauche combative dénonce « cette absence de vision prospective qui ne tient pas compte des besoins réels des gens, de la répartition et de la nature des équipements, des moyens de communication, de transport, des services de santé, d’éducation, de formation conduit inévitablement à laisser de côté une partie des territoires que ce soit les petites villes à la périphérie de ville centres ou les communes rurales.
Lorsqu’on décide unilatéralement dans l’urgence, sans étude préalable ni technique, ni environnementale, sans consultation des premiers intéressés, de la construction d’une aire de grand passage à proximité d’un axe autoroutier, de lignes à haute tension, sur un terrain en pente, soumis aux précipitations et aux écoulements souterrains, au prétexte d’appliquer la loi on ne respecte pas le débat démocratique. Que fait l’État, depuis des années, pour faire respecter la loi sur les aires permanentes dans les villes de plus de 5 000 habitants ? Quelles garanties va-t-il donner demain pour que l’aire de grand passage, quelle que soit sa localisation soit utilisée conformément à sa destination ?
Quand on décide sans concertation des élus locaux, des habitants, d’aménager dans la précipitation une aire de grand passage sur des terres agricoles, une zone archéologique, et une zone à vocation de développement économique, décide-t-on de mettre en œuvre une stratégie d’aménagement du territoire au service des habitants ou pose-t-on au hasard, ou pas, le doigt sur une carte ? En plus de la fracture sociale c’est là une véritable fracture démocratique qui exclut dangereusement les élus de proximité et les habitants.
Ainsi, quand une métropole prend une décision pour répondre aux objectifs départementaux que nous avons actés dans un document de planification, notre responsabilité est de nous assurer que cette décision réponde effectivement à nos objectifs.
Pour cela nous sommes en droit de demander des comptes : la réalité de la consultation, la réalité des études qui ont fondé la décision. Notre collectivité ne serait-elle qu’une simple chambre d’enregistrement ? »
Pour télécharger l’intervention complète de Séverine BOTTE : Aire de grands passages des gens du voyage – SB
Pour visionner l’intervention de Séverine BOTTE : Aire de grands passages des gens du voyage – Vidéo – SB
Les autres interventions dans ce débat :
Julien DEMAZURE – canton de Mesnil-Esnard (Groupe des Droites)
« Je vous remercie d’ouvrir le débat sur l’accueil et l’habitat des gens du voyages en Seine-Maritime. En effet ce sujet est au cœur des compétences du département et impacte directement un grand nombre de communes de notre territoire. Vous le savez, le schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage est un outil de planification et d’actions collectives, et j’insiste sur le mot collectif, pour répondre aux besoins spécifiques des gens du voyage et les accueillir dans de bonnes conditions.
Conformément à la loi nous avons approuvé le 22 juin 2020 en séance plénière un 3e schéma départemental pour la période 2020-2025.
Ce schéma est le résultat d’un travail collectif et partenarial entre l’Etat et cela a été rappelé ce matin par M. le Préfet, le département et les représentants des 43 communes peuplées de plus de 5000 habitants en Seine-Maritime.
Le document défini notre politique d’accueil et d’habitat des gens du voyage pour 6 ans prenant en compte la diversité de situation des ménages, qu’ils soient de passage ou présents sur le territoire depuis plusieurs années tout en conservant un habitat en caravane et une habitude de voyage saisonnière.
Ce schéma comporte 3 objectifs. Le 1er répondre aux besoins d’ancrage territorial et d’habitat des ménages concernés, le 2e constituer un réseau complet d’aires de grands passages et le 3e enfin garantir l’accès au droit des gens du voyage en matière sociale. Lors du vote du dernier schéma, nous avons souligné que les prescriptions du schéma pour 2013-2019 n’avait pas fait l’objet d’une mise en œuvre satisfaisante notamment sur les territoires de l’agglomération dieppoise et de la métropole de Rouen et je pense notamment à l’implantation des aires de grands passages dont une seule a été réalisée sur cette période sur le territoire du Havre.
Alors Mme Botte, vous l’avez expliqué, certains choix d’implantation de futures aires de grands passages sont contestés. De toute évidence les récents débats à ce sujet au sein de la Métropole Rouen Normandie qui a l’obligation de mettre en œuvre cette aire de grand passage depuis plusieurs années, qui a tardé à s’approprier ce sujet et qui a organisé une situation d’urgence pour prendre une décision, démontre un manque manifeste de concertation des élus du territoire. Il est en effet regrettable qu’une commune comme Oissel en l’occurrence se voit imposer l’implantation d’une aire de grand passage avec le sentiment de ne pas avoir été consultée ou entendue.
Il y a là un problème de méthode. Nous pouvons naturellement vous rejoindre sur ce point. C’est pourquoi nous invitons à notre tour la Métropole Rouen Normandie a respecter les valeurs de l’intercommunalité en concertant de manière appuyé les élus du territoire et en premier lieu les maires et en recherchant à chaque fois le plus large consensus possible lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre les sujets sensibles et difficiles comme cela. »
Dominique METOT – canton de Bolbec – (Groupe des élus indépendants)
« On arrive au cœur d’une problématique qui pose toujours problème à l’ensemble des collectivités locales quelles qu’elles soient. Ça me rappelle un autre débat qu’on n’a pas eu ici mais qu’on a eu ailleurs, c’est le problème de la prison de Rouen, de la reconstruction de la prison de Rouen. Donc au travers de ça, c’est toujours des soucis ou on veut un peut plus de sécurité mais pas de prison chez soi. On veut un peu plus de mobilité mais pas d’autoroute. On veut donner des conditions de vie à des gens mais sans employer une véritable démocratie. Comme vient de le dire notre collègue ici, si c’est au sein de la Métropole, c’est au sein de la Métropole que doit s’établir une véritable démocratie. J’ai connu ce problème puisqu’en tant que maire de Bolbec, l’intercommunalité a réalisé une aire de grand passage dans ma commune lorsque j’étais maire. C’est donc un problème qu’on doit pouvoir voir ensemble, qu’on doit pouvoir voir sur une localisation et c’est peut-être un véritable débat qui doit s’instituer au sein de la Métropole entre les élus puisque je pense qu’il y a des obligations à respecter et des conditions de vie correcte à avoir pour l’ensemble de nos populations. »
Bertrand BELLANGER, Président du Conseil départemental
« Merci beaucoup Mme Botte, merci beaucoup aux collègues qui sont intervenus dans ce débat délicat qui fait référence naturellement à un problème de méthode, clairement. »