Le budget 2021 du Département de Seine-Maritime était examiné par le Conseil départemental du 11 décembre 2020. Le groupe communiste et républicain du Front de Gauche a dénoncé un « rendez-vous manqué ».
Le président du groupe, Stéphane Barré, a tout d’abord rappelé le contexte inquiétant que ce budget va affronter :
« En 2021, l’urgence sociale va atteindre un niveau jamais connu, avec notamment une progression de 11% des besoins en RSA.
En 2021, l’urgence économique va appeler des efforts sans précédent pour soutenir l’emploi, l’insertion, la formation.
En 2021, l’urgence écologique sera plus que jamais prégnante, exigeant une audace grand angle, dans toutes les politiques publiques, pour favoriser les transitions vitales.
En 2021, l’urgence sanitaire sera toujours là, avec notre système de santé, nos hôpitaux fragilisés.
Et pour 2021 que dit le budget de la collectivité des solidarités par excellence :
- Budget en baisse de – 3,10%, alors qu’il était en hausse de près de 4% l’année dernière.
- Dépenses réelles de fonctionnement en légère progression de 1,43%. Soit 18 Millions supplémentaires par rapport au budget 2020, mais le RSA à lui seul en exigera 30.
- Recettes réelles de fonctionnement en baisse de – 1,45%.
A circonstances exceptionnelles, nous aurions espéré des décisions exceptionnelles, d’autant qu’il s’agit probablement du dernier budget du mandat.
La crise que nous affrontons est inédite comme ses conséquences économiques et sociales, nous pourrions ajouter culturelles, psychiques et éducatives, comme alertent les premières études spécialisées conduites ces derniers temps.
Et encore, nous sommes loin de tout savoir, de tout appréhender, l’incertitude demeurant forte pour des mois encore.
Cela nous semblait être une base suffisamment sérieuse, tout comme la gravité de la situation et les inquiétudes communes à une large part des seinomarins, pour leur offrir, au moins cette année, un budget départemental construit en commun, adopté et porté à l’unanimité.
Cela aurait eu « de la gueule », et au-delà de ce symbole, un message fort aurait été délivré depuis le coeur de notre assemblée départementale. Celui l’élus de tout horizon, rassemblés et en ordre de bataille pour affronter ensemble l’acte II de cette crise, en 2021.
Vous êtes pour quelques temps encore la majorité, et nous sommes l’opposition. Il ne s’agissait pas de vous faire adopter nos analyses, toutes nos propositions.
Il s’agissait en revanche d’entendre notre message du 19 novembre, notre main tendu pour que ce budget 2021 de la collectivité des solidarités, prenne en compte, au moins partiellement, les orientations fortes que nous avons développé à partir d’éléments factuels, de démonstrations chiffrées issues de votre propre document, et à partir surtout d’une volonté de partager ce budget pour le rendre unanime. C’était le moment où jamais. C’est raté.
En analysant votre document budgétaire, nous mesurons combien cet espoir était utopique et combien votre majorité qui se drape régulièrement dans le pragmatisme et l’absence de dogme, persiste à vouloir avoir raison, toute seule.
Cela nous rappelle d’ailleurs ce qui se pratique à l’étage de dessus. Et pas seulement depuis 2017.
Au-delà du versement des allocations, des subventions, que proposez-vous dans ce budget qui soit extraordinairement solidaire ? Exemplairement solidaire ?
Il consacre 27,3 Millions supplémentaires aux dépenses de solidarité, soit une hausse de 3%, mais le RSA en exige 29,7 Millions supplémentaires par rapport à 2020.
Donc, hors RSA, les dépenses de solidarité que vous nous proposez baissent de 2,4 Millions (- 0,42%).
- – 16% pour le fonctionnement des structures sociales (- 526.284 €) ;
- – 15% pour la PMI et la santé publique
- – 1% pour l’enfance et la famille
- – 1% pour le handicap
- – 10% pour la lutte contre les discriminations, malgré tout ce que l’on s’est dit le mois dernier, lors de l’examen du rapport sur l’égalité femmes/hommes et la lutte contre les violences faites aux femmes.
Et pour être objectif et exhaustif :
- + 1% pour l’APA et les personnes âgées
- + 2% pour la coopération internationales.
Mais ce n’est pas tout…
Les dépenses de personnel reculent de 2%, – 3,5 Millions.
Comment, sans recrutement, sans renforcement de notre capital humain qui, je le rappelle et j’en ai fait la démonstration en novembre sans réaction de votre part, est bel et bien en baisse depuis 2015 ;
Comment donc sans moyens humains supplémentaires comptez-vous répondre à l’impérieux besoin d’accompagnements, d’écoute, de conseil et d’assistance des milliers de seinomarins dans le pétrin ?
Et notamment des 11% supplémentaires de bénéficiaires du RSA qui doivent désormais compter sur cette allocation pour survivre ?
Déjà avant cette crise, nous vous alertions sur des difficultés notées dans nos cantons pour obtenir un rendez-vous, un suivi, une aide auprès d’un travailleur social.
Vous attendez quoi ? Que nos assistantes sociales, nos professionnels de secteur soient exténués comme l’ont été avant eux les personnels hospitaliers à l’époque où nos gouvernants ignoraient leurs cris d’alerte ?
Au regard de la situation présente et à venir, il est incompréhensible que ce budget ne porte pas de créations massives de postes dans la filière médico-sociale, des renforts dans nos Centres Médico-Sociaux ou à la Maison Départementale des Personnes Handicapées…
Il est incompréhensible qu’il ne porte pas un effort bien supérieur en faveur des EHPAD et des Résidences autonomies, dont les résidents sont parmi les premières victimes de cette crise…
Il est incompréhensible qu’il ne porte pas des crédits exceptionnels à allouer aux associations partenaires qui sont en première ligne, au contact direct de ceux qui souffrent, des personnes âgées, jusqu’à l’enfance…
Il est incompréhensible qu’il ait été élaboré sans que les CCAS, les associations caritatives, les associations spécialisées ou les centres sociaux n’aient été sollicités, ne serait-ce que pour adapter leur convention d’objectifs et de moyens. Vous qui aimez tant les appels à projet, c’était le moment où jamais d’en lancer un, des plus ambitieux…
Il est incompréhensible qu’il ne porte aucune campagne d’information, de sensibilisation, d’appels en faveur des foyers en difficultés qui n’ont jamais mobilisé nos dispositifs.
Vous l’aviez fait dans les abri-bus pour vanter le désendettement, il serait plus utile d’utiliser nos outils de communication pour combattre le non recours aux droits… Ou pour valoriser l’existence du Fonds de Solidarité Logement…
Il est incompréhensible qu’il innove nullement, qu’il soit si peu inventif pour agir au-delà de la simple gestion de la crise…
Notre débat d’orientations budgétaires fut pourtant long et argumenté. Notre groupe et le groupe socialiste, vous avons exposé des pistes, des exemples, des propositions. Nous ne nous sommes pas contentés de vous bousculer, nous avons cherché à être constructifs.
Je lis ce projet de budget et je vois… rien. Rien de ce que l’on a pu vous dire, vous proposer.
Je vous l’accorde, vous allez d’ailleurs nous le redire j’imagine : vous faites de votre mieux ; la bouteille à moitié vide est aussi à moitié pleine ; vous êtes mobilisés… et après ?
Car dans des circonstances aussi exceptionnelles, faire de son mieux ne suffit pas.
Sinon à quoi bon nous battre pour maintenir des collectivités librement administrées et aptent à agir ? Autant demander aux services de l’Etat de gérer nos guichets s’ils deviennent de simples guichets des solidarités.
En conclusion, ce budget n’est pas un budget de relance, non pas de l’économie tout simplement parce que sur ce point ce budget agit.
Mais ce n’est pas un budget de relance des solidarités qui soit à la hauteur de la situation et de la vague qui déferle.
Or si nous ne sommes pas le chef de file des politiques économiques, nous sommes celui des solidarités.
Raison plus que suffisante et croyez moi, je le regrette, pour que notre groupe ne puisse le cautionner par son vote.
Ce jour, est assurément le jour d’un rendez-vous manqué. »
Le groupe communiste et le groupe socialiste ont voté contre ce budget. Le groupe des droites, ainsi que les élus du groupe « Pour l’écologie au Département » et les deux élus indépendants du canton de Bolbec, ont voté pour.
Pour télécharger l’intervention complète de Stéphane Barré : Budget 2021