Les débats de politique départementale à l’initiative des groupes politiques, en ouverture du Conseil départemental du 1er octobre, tournaient tous autour des conséquences de la crise de la Covid-19 et du plan de relance de l’économie annoncé par le gouvernement.
Pour le groupe communiste du Front de Gauche, Stéphane Barré a tout d’abord souligné que cette crise « a une nouvelle fois souligné, que dis-je surligné en fluo, le rôle crucial des collectivités locales et des services publics dans notre pays : leur capacité à agir en proximité, leurs savoir-faire et leurs connaissances des réalités locales et des populations, leur réactivité, et j’en passe. Comment cette crise aurait-elle pu être gérée sans les départements menacés de disparition il n’y a pas si longtemps, par une doctrine politique qui cherchait à réduire le maillage territorial qui fait la force de notre pays ? Comment aurait-elle pu être gérée sans les communes que pourtant les gouvernements successifs affaiblissent d’année en année, en réduisant leur rôle et leurs moyens ? Comment aurait-elle pu être gérée sans nos services publics du quotidien qui, pourtant sont régulièrement démantelés ? ».
Mais il a également mis en avant que cette crise « a révélé combien nos vies dépendent des premiers de corvée, et non des premiers de cordée… Comment aurait-elle pu être gérée sans les petites mains, héros et héroïnes anonymes de la période du confinement, professions laborieuses au plus bas salaires, et qui ont pourtant agit de façon exemplaire, sans faille ? »
Et d’en venir à la prime attribuée aux aides à domicile par le Département :
« Nous tenons à nous féliciter collectivement pour avoir attribué une prime aux aides à domicile, comme l’ont fait de nombreux autres départements, ce qui a probablement poussé le Président de la République à annoncer à son tour sous cette pression, tout début août, une prime versée avant Noël. Cependant, nous aurions apprécié que cette décision puisse être prise et annoncée lors de notre Conseil du 22 juin comme nous vous l’aviez alors suggéré, avec d’autres collègues ici, plutôt que de la découvrir un mois plus tard dans la presse aux détours de votre visite médiatisée à l’ADMR monsieur le Président. Enfin, le principal c’est que vous ayez été convaincu finalement par nos arguments ».
Rappelant au passage qu’ « on ne peut pas toutefois réduire les inégalités salariales, à coup de primes ponctuelles. Ce qui est désormais posé c’est une refonte des rémunérations et une meilleure répartition des richesses au profit du monde qui travaille, et de toutes celles et de tous ceux qui veulent travailler mais qui en sont empêchés. Notamment par un abaissement de la durée du travail pour mieux le répartir. »
Puis Stéphane Barré a commenté le « Plan de relance de l’économie concocté par le gouvernement qui vise simplement à restaurer le monde d’avant avec une petite couche de vert en plus. Et on nous ressort les vieilles ficelles sous forme de cadeaux fiscaux, de baisse de charges comme s’il convenait d’abord de préserver les marges et les profits. Résultat, si les PME et TPE restent à la peine, et des grands groupes et leurs actionnaires se frottent déjà les mains avec de l’argent public et licencient. »
Ainsi, il a dénoncé : « L’enseigne AUCHAN appartenant au richissime groupe Mulliez qui s’est goinfrée de CICE avant la crise, annonce un plan social massif de 1.475 destructions d’emplois. La crise n’est pas encore terminée que celles et ceux qui ont permis l’approvisionnement de leurs concitoyens et ont été salués pour leur courage, sont aujourd’hui remerciés par un groupe pour lequel ils ont contribué à amasser ses profits. Au Havre, c’est le géant SIEMENS qui veut rayer de la carte l’usine DRESSER et ses 500 emplois en utilisant l’alibi de la transition écologique… ».
Rappelant au passage sur ce dernier point : « Vous vous souvenez, lors de l’examen en fin d’année du Pacte de transition écologique et industrielle du Havre Seine Métropole, nous avions prévenu : de pacte concocté à la va-vite avec l’ex ministre de l’écologie était en réalité destiné à couvrir des plans sociaux. A la centrale thermique du Havre hier, chez Dresser aujourd’hui. Les faits nous donnent raison et donnent raison à la moitié de cette assemblée qui s’était alors abstenu sur son adoption. »
Pour le groupe communiste, « cette trajectoire n’est pas la bonne. Nous devons nous mobiliser tous ensemble ici pour dire au gouvernement : pas d’argent public pour des licenciements. Ou encore la définition, en concertation avec les grands groupes et en échange de l’argent public attribué, de la transition écologique et industrielle. Une transition concertée et planifiée. »
Puis Stéphane Barré s’est arrêté sur plusieurs exemples concrets :
« Et lorsque ce n’est pas possible, l’Etat doit prendre ses responsabilités, comme pour le site UPM Chapelle Darblay à Grand-Couronne, qui employait 230 salariés, un fleuron de l’économie française dans le recyclage qui se trouve aujourd’hui menacé alors que son processus de fabrication de la pâte à papier recyclé est viable et respectueux de l’environnement… »
« Mobilisation également pour le soutien aux filières en difficultés, mais pas sans contrepartie, dans l’aéronautique, l’automobile et bien sur le transmanche. Notre collectivité est fortement intervenue et a pris des engagements pour soutenir la ligne Dieppe/Newhaven, nous devons aller plus loin pour que l’Etat à son tour intervienne… »
« Sans compter que concentrer les fonds publics, les 100 milliards, uniquement à la relance du secteur privé est une erreur stratégique, car nos services publics ont tout autant besoin d’un plan de relance, dans la santé, les transports, les services à la personne, la perte d’autonomie et plus globalement dans les solidarités… »
Enfin, il a développé sur le financement de ce Plan de relance gouvernemental : « Le gouvernement fait en effet peser sur les collectivités une bonne partie de la facture » qu’il a chiffré dans le détail à 20 Milliards d’Euros sur les 100 du Plan de relance.
« Le gouvernement prévoie une compensation annuelle des pertes de recettes pour le bloc communal de façon territorialisée à travers des dotations, et pour les régions sur une part de la TVA, mais l’Etat n’a jamais tenu ses engagements de maintien intégral des compensations consécutif à des baisses ou suppression de recettes fiscales, à l’image de la suppression de la Taxe Professionnelle. La baisse des dotations d’Etat aux communes et aux départements, puis leur stagnation en dessous du niveau annuel de l’inflation, a entrainé une perte importante de recettes. Il résulte une nouvelle fois de ces mesures une perte d’autonomie dans le financement des budgets des collectivités, puisque sous couvert de Plan de relance, le gouvernement a réactivé son ancien projet de remplacement des recettes fiscales locales par des dotations d’État pour compenser ces pertes de recettes fiscales. »
Stéphane Barré concluant : « En Macronie, le monde d’après ressemble furieusement à celui d’avant », il a annoncé les positions et propositions des élus communistes : « C’est dans ce contexte difficile que le Département va préparer son budget 2021. Nous interviendrons bien entendu pour qu’à votre tour vous ne veniez pas en rajouter, en reportant l’addition sur nos services publics de proximité, sur le nombre d’agents publics par exemple, dont nous avons tant besoin, et sur l’indispensable solidarité.
Quant à l’obsession de la dette qui s’est subitement évanouie, on verra ici, d’ici quelques semaines, ce qu’il en est dans les rangs de votre majorité à l’aube de la préparation du budget 2021.
Mais pour l’heure, nous souhaitons vivement que tous les groupes ici réagissent, à l’image de l’appel de l’Association des Maires de France pour demander à l’Etat de mettre fin à sa stratégie d’affaiblissement financier et fiscal des collectivités locales et de financer sur son propre budget les avantages fiscaux consentis aux entreprises dans le cadre de son Plan de relance de l’économie.
Nous en appelons pour notre part à un réinvestissement de la puissance publique qui doit s’accompagner d’outils nouveaux pour impulser une autre logique de production et de gestion dans les entreprises. Il s’agit de s’appuyer sur les savoir-faire et la créativité des salariés avec des droits nouveaux permettant la recherche de solutions concrètes et véritablement écologiques dans l’ensemble du système productif et de distribution.
Et nous en appelons à un Plan de relance des services publics, à tous les étages, des communes jusqu’aux services de l’Etat. Il s’agira d’un investissement utile et pérenne, bien plus sécurisé pour l’avenir de notre société que la volatilité des marchés et la cupidité des actionnaires ».
En réponse, pour la majorité des droites, Florence Thibaudeau-Rainot a regretté que si « comme souvent on peut être d’accord avec le début de vos constats, vous vous en éloignez en traitant de sujets nationaux qui ne relèvent pas des compétences départementales ». Elle a aussi regretté que les propos développés « opposent les petits, aux géants ». Avant de se lancer dans le service après-vente des politiques souhaitées par la majorité départementale et d’appeler à « retrouver la sérénité, indispensable à la démocratie ».
Concernant les services publics, Sophie Hervé, pour le groupe communiste, a illustré sur les pertes de services et d’emplois au sein du groupe La Poste et de la SNCF depuis que ces entreprises publiques ont pris un autre statut. Catherine Depitre, pour le groupe « Agir pour l’écologie au Département », regrettant pour sa part le démantèlement de l’Office Nationale des Forêts (ONF).
En conclusion des débats, Marine Caron, pour la majorité des droites, a affirmé que « nous sommes prêts pour accompagner la relance en Seine-Maritime ! ».
Pour télécharger l’intervention complète de Stéphane Barré : Dpd plan de relance SBA