L’analyse du budget 2017 présenté en Conseil départemental du 6 décembre, est revenue, pour le groupe communiste et républicain du Front de Gauche, à Jean-Paul Lecoq qui a soumis d’entrée « une équation simple dans l’attente d’une réponse claire » : « Si dans votre budget annuel, vos ressources baissent et que dans le même temps vos dépenses incompressibles augmentent, et que malgré tout vous choisissez cette période de disette pour bloquer des sommes considérables en faveur du désendettement (20 millions), où allez-vous chercher l’équilibre budgétaire ? ».
Et d’expliquer cette démarche : « Car à vous entendre, vous nous répondez qu’aucune politique publique portée par notre collectivité n’est en recul et ce malgré le contexte de grave crise et de désengagement sans précédent de l’Etat. Vous comprendrez, ne croyant que modérément à la magie, que nous sommes fondés à penser que vous ne dites pas totalement la vérité ».
Jean-Paul Lecoq a alors invité la droite « à assumer ses choix et contribuer ainsi à redonner de la valeur à la parole publique, de la clarté au débat public. Dites-nous franchement que l’objectif purement comptable de réduction dogmatique de la dette et de diminution des services publics vous conduit à renier, les uns après les autres, les moyens du service public départemental, comme les contenus de nos politiques publiques ».
Puis il a dénoncé les premières mesures prises au détriment de l’éducation, des services d’incendie et de secours, la suppression de postes de fonctionnaires « 60 postes prévus en 2017 ». Sans oublier les sommes considérables dédiées au désendettement : « Dans cette séquence de crise à durée indéterminée, il ne nous semble pas que le désendettement accéléré soit une priorité, dès lors qu’il vient percuter les attentes et les besoins fondamentaux des seinomarins. 20 millions de plus, chaque année, pour rembourser les banques, ce sont 20 millions de moins pour les habitants, les associations, les communes, le carnet de commande des entreprises ».
Rappelant que le désendettement accru était, en fin de mandat dernier, de 10 millions par an, « ce qui nous posait déjà problème à l’époque car cela accentuait l’austérité départementale. En 2015, vous avez doublé la mise avec près de 21 millions sur la table. Et cette année, vous portez l’addition à 51 millions grâce aux transferts à la Métropole rouennaise ».
Estimant ainsi que « si vous en étiez restés à un désendettement normal plutôt que de vouloir faire du zèle en raison de votre vision phobique de la dette, nous disposerions sur notre exercice de dizaines de millions pour conduire nos politiques publiques dans un contexte, encore une fois, où la crise frappe fort et le gouvernement encore plus fort ».
C’est toute une logique que Jean-Paul Lecoq a ainsi décortiqué : « Utilisant comme vous le faite l’excuse de la dette, vous avez cela en commun, entre autre, avec le gouvernement qui fait 50 milliards d’euros d’économies sur la période 2015-2017 dont 11 milliards d’euros sur les collectivités locales. Une économie, plutôt d’ailleurs un détournement de fonds publics, qui vient d’un côté asphyxier nos budgets et de l’autre alimenter les profits. C’est un tour de passe-passe, on ne désendette rien du tout, on prend simplement dans les caisses publiques pour abonder des comptes en banque privés ». Et de revenir sur le CICE : « le gouvernement a débloqué 20 milliards d’euros par an de cadeaux aux entreprises depuis 2013 (source La Tribune) avec le résultat que l’on connaît : seulement 50.000 à 100.000 emplois créés ou sauvegardés en échange de ce sponsoring massif d’argent public… ».
Résultat, l’Etat met les collectivités en danger par la baisse de ses dotations : « cette baisse des dotations entraîne pour notre Département une perte cumulée de 44,9 millions entre 2013 et 2016, soit plus d’un quart de notre dotation forfaitaire de 2013. Dans le même temps, l’Etat et ses gouvernements successifs, parfaitement incapables de nous faire sortir de la crise, se lave les mains de la progression de la demande sociale, dont il est par ailleurs responsable. La hausse des dépenses sociales, + 2,4 % par an entre 2011 et 2015 (+ 17,9 millions) dont + 12 millions des allocations RSA, étant financé en grande partie, non pas par la solidarité nationale mais par le budget départemental ».
Jean-Paul Lecoq s’est également arrêté sur la question fiscale : « Manquant de courage et de volonté pour engager la véritable réforme de la fiscalité dont la nécessité est devenue criante pour remettre un peu de justice fiscale dans ce monde de brutes, le gouvernement en vient maintenant à offrir des baisses d’impôts sur le revenu en refilant la facture aux collectivités ».
Il a enfin dressé un constat alarmant sur le faible niveau d’investissement du Département : « Je veux à nouveau tirer la sonnette d’alarme sur la baisse de nos investissements : – 15,3 %, soit 29,2 millions en moins pour construire, bâtir, rénover, équiper et soutenir l’emploi. Des dépenses réelles d’investissement hors dette qui sont passées de 340 millions en 2008 à 161,8 millions en 2015, soit – 52 %».
En conclusion, pour le groupe, le constat est sans appel : « Vous conveniez dans vos orientations budgétaires le mois dernier que « le Département doit continuer à traiter la souffrance sociale de nos concitoyens et à accompagner l’aménagement et l’animation des territoires ». Ce projet de budget 2017 a visiblement perdu de vue cet impératif, dans un contexte où l’urgence sociale se fait sentir dans de nombreux domaines et nécessite plus de République et de soutien collectif et solidaire, dans l’action sociale, l’aide à l’enfance, l’éducation notamment. Nous nous y opposerons ».
Dans sa présentation le Vice-Président Lemonnier a annoncé un budget probablement en déséquilibre l’année prochaine « si l’Etat ne change pas ses politiques en direction des collectivités locales » et a mis en cause la sincérité du budget 2017 de l’Etat. En réponse à Jean-Paul Lecoq, tout en lui reconnaissant « une constance certaine dans ses positions », il s’est défendu de « tout désendettement accéléré, rappelant que le désendettement est de 7 % ».
Pour le groupe socialiste, Tacko Diallo puis Pierre Carel, ont rejoint les arguments développés sur la baisse des crédits en faveur de l’éducation et des solidarités, tout en dénonçant l’absence de sincérité de ce projet de budget. Le Président Martin a fait état pour sa part de sa conviction que le gouvernement « veut la peau des départements ».
Le budget 2017 a été adopté avec les voix de la droite et des indépendants.
Pour télécharger l’intervention complète de Jean-Paul Lecoq : 3-10-interv-jpl-budget-2017