Le Président du Département a accédé à la demande formulée par le groupe communiste en organisant lors du Conseil départemental du 20 juin, un débat et un vote relatifs au projet de contournement Est de Rouen. La Préfète de Région a cependant décliné l’invitation à y participer prenant prétexte de l’enquête publique en cours, ce qui n’a pas manqué de faire réagir Hubert Wulfranc : « Ce débat public aura lieu sans les représentants de l’Etat alors même que le projet présenté et contesté a été établi par l’Etat, c’est vous dire s’ils sont à l’aise sur le sujet ! ».
Après une présentation du projet par les services départementaux, Hubert Wulfranc a tenu à préciser que « les élus Communistes et du Front de Gauche de la Métropole rouennaise, du Département, de la Région et des municipalités concernées, sont vent debout contre ce projet. Ils ne sont pas seuls, tant du côté d’un certain nombre de Maires que d’élus de sensibilités diverses et variés. Une opposition à un projet dont le tracé a été imposé unilatéralement par les services de l’Etat en 2013. Notre opposition est fondée sur une analyse critique des caractéristiques de ce projet qui ne répond pas aux objectifs qui lui ont été assignés, et dont l’économie générale est selon nous totalement négative ».
Avant de détailler méthodiquement tout ce qu’il comporte comme atteintes à l’environnement, aux intérêts et à la santé des populations impactées par ce tracé, Hubert Wulfranc a porté à la connaissance de l’assemblée des éléments accablants : « Concernant l’objectif premier affiché de décongestionner le trafic routier de la Métropole rouennaise, nous nous inscrivons résolument en faux contre l’argumentaire développé par la DREAL et les partisans du contournement. En effet, les reports de trafics escomptés sont contestés par l’Autorité environnementale dans son avis rendu en février dernier. Celle-ci indique que l’exercice d’évaluation du report de trafic est rendu difficile du fait des incertitudes qui pèse sur le niveau du péage qui sera exigé des utilisateurs de l’infrastructure. Plus celui-ci sera élevé, moins l’équipement sera utilisé. Néanmoins, en l’état des données à sa disposition, l’Autorité environnementale table sur un report marginal des trafics au sein de l’agglomération à hauteur de 5%. Autrement dit ce n’est pas le grand soir attendu par les habitants de l’agglomération et par les usagers de nos routes ».
D’autant qu’en terme de transport, le projet de contournement Est « n’est adossé à aucune proposition étudiée et programmée de développement et d’amélioration des transports en commun, notamment sur la rive Sud-Est de la Métropole qui dispose d’une offre de transport collectif très insuffisante au regard des besoins ».
Concernant le second objectif assigné au projet, à savoir l’amélioration de l’environnement et du cadre de vie, de l’air, de l’eau au sein de la Métropole rouennaise et son centre ville, pour Hubert Wulfranc cela relève : « au mieux de la gageure, et au pire, de l’enfumage. En effet, les maigres améliorations attendues de ce projet pour le centre ville de Rouen apparaissent totalement disproportionnées au regard des risques encourus par les populations directement impactées par l’infrastructure. Si les simulations officielles tablent sur une très légère amélioration de la qualité de l’air dans l’hyper-centre rouennais, de l’ordre de 5 à 10% d’émission de polluants en moins, laquelle reste néanmoins hypothétique, du fait de l’augmentation du trafic routier annoncé sur Rouen, cette amélioration se ferait au prix certain d’un accroissement des émissions de polluants au-delà des normes sanitaires européennes sur l’ensemble des bassins de vie impactés et notamment les communes d’Oissel et de Saint Etienne du Rouvray ».
Et de détailler : « Ainsi l’Autorité environnementale a relevé dans son avis que les concentrations en dioxyde d’azote (NO2) dépasseraient en moyenne annuelle les 20 microgrammes par mètre cube sur 200 à 300 mètres sur le périmètre du rond point des vaches pour un seuil sanitaire fixé à 10 microgrammes. Sur le même périmètre, les concentrations de particules fines dont le diamètre est inférieur à 10 microns (PM10) sont évaluées en moyenne annuelle à 47 microgrammes par mètre cube alors que le seuil sanitaire est fixé à 40 microgrammes. Enfin, l’Autorité environnementale a relevé que les concentrations des particules inférieures à 2,5 microns, les polluants les plus susceptibles de générer des cancers, ne sont tout simplement pas mentionnées par l’étude des services de l’Etat. Un manquement sans doute fort opportun au regard de la dégradation de la qualité de l’air déjà annoncé ».
Mais pour Hubert Wulfranc, les conséquences de ce tracé vont encore plus loin : « Outre les émissions de polluants liées au trafic routier, ces mêmes riverains Stéphanais et Osseliens seront confrontés à des nuisances sonores particulièrement accrues. Des habitants vivant déjà à proximité immédiate de la ligne ferroviaire Rouen – Paris, et qui seront confrontés par la suite, à la réalisation de la Ligne Nouvelle Paris Normandie. Et bien c’est un véritable enfer sonore que l’on promet à ces populations. Des nuisances sonores dont Christophe Bouillon notre collègue qui préside le Conseil National du Bruit, estime le coût social à 20 milliards d’euros rien que pour les nuisances générées par les transports, principale source de bruit infligés aux populations ».
Hubert Wulfranc a également dénoncé à propos du viaduc qui serait construit « l’édification d’une véritable muraille de séparation qui est promise aux communes d’Oissel et de Saint-Etienne-du-Rouvray. Un charmant point de vue en effet puisque la Charte de valorisation propose, non sans cynisme, de mettre en valeur les paysages traversés par l’autoroute et de s’approprier les grands viaducs pour en faire je cite : une identité du territoire et des points de vues… Les habitants des territoires traversés par le viaduc de raccordement apprécieront moyenne la mauvaise blague… En effet, n’est pas le viaduc de Millau qui veut. Les auteurs de cette Charte croient-ils réellement à ce qu’ils écrivent. Imaginez-vous sérieusement que les automobilistes emprunteront ce viaduc autoroutier payant dans l’objectif de contempler les territoires Stéphanais et Osseliens sur lesquels certains décideurs entendent déporter toutes les nuisances et les activités économiques les moins valorisantes ? ».
Pour le groupe communiste et républicain du Front de Gauche, la conclusion est sans appel : « Pendant que la ville centre accueillerait les quartiers écologiques desservis par des transports collectifs performant ainsi que les activités les plus valorisantes, socialement et économiquement parlant, les habitants du sud-est de l’agglomération, déjà socialement plus éprouvés, seraient condamnés à vivre dans des conditions environnementales et sanitaires dangereusement dégradées et à proximité de déchèteries et de centres de ferraillage à ciel ouvert ».
Hubert Wulfranc dénonçant au passage « Les véritables bénéficiaires visés par l’infrastructure promise : les entreprises de la place portuaire rouennaise qui entendent disposer d’une desserte fiable et rapide dans une optique de course à la compétitivité ».
Il a alors lancé un appel à tous les élus présents : « Pour l’ensemble de ces raisons et nous n’en n’avons pas fait le tour, loin de là, le groupe des élus Communistes, Républicains / Front de Gauche votera contre le projet d’avis favorable soumis à l’examen de notre collectivité. En tout état de cause, nous demandons à chacun des membres de l’assemblée départementale de bien prendre en considération les doutes objectivement fondés sur l’utilité et l’efficacité de ce tracé de contournement en même temps que ses conséquences, elles indubitables, sur la qualité de vie d’un bassin d’habitat. Chers collègues, si votre ligne de conviction embrasse sincèrement le droit de tout à chacun à un développement durable de sa personne, de son environnement familial et familier au quotidien vous réserverez votre vote aujourd’hui au bénéfice des doutes persistants sur ce dossier et de l’éthique personnelle que chaque élu peut légitimement exercer dans son choix de vote indépendamment de son engagement politique ».
En réponse, la quasi totalité des intervenants se sont révélés d’ardents promoteurs de ce projet, Marine Caron, élue de Droite à Rouen allant même jusqu’à affirmer : « je ne me réjouis pas des gens qui vont perdre leur maison ou des villages coupés en deux mais il vaut avancer, c’est l’avenir de tout un territoire qui se joue ! ».
Seuls Jacques-Antoine Philippe, élu socialiste du canton de Darnétal s’est montré très critique et très réservé sur les aspects de pollution, de bruit et de coût de péage ainsi que Dominique Métot du groupe des indépendants qui a dénoncé « la multiplication des péages sur les routes et les ponts de notre département ». Ils ont cependant voté pour ce projet en appelant à ce qu’il soit amélioré pour en faire un « projet exemplaire tirant les leçons des expériences passées ».
Enfin, Jean-Paul Lecoq a plaidé pour qu’une bonne solution puisse être trouvée aux problèmes réels rencontrés sur toute la métropole en raison du trafic, tout en estimant que le projet présenté est « un mauvais projet », avant de détailler : « Tout d’abord parce qu’il repose sur un péage, or tout péage incite à des reports de trafics, notamment des poids-lourds sur les axes secondaires. Ceci est avéré et inhérent au mode de fonctionnement du transport routier. Plus les chauffeurs évitent des péages, plus ils sont gratifiés par leur employeur ».
Il a également pris l’exemple de la rocade nord du Havre, une vraie réussite « car elle s’est faite non pas en opposant les populations mais en obtenant un accord unanime sur son tracé. Et puis, elle est gratuite ! », rendant au passage hommage à l’action de Michel Barrier, ancien vice-président communiste du Département qui a porté sa réalisation.
Malgré un dernier appel d’Hubert Wulfranc « pour que le doute et les réserves puissent permettre d’obtenir la révision de ce projet non pas pour ne rien faire mais pour faire bien », le vote fut sans appel, toute l’assemblée a voté pour ce projet à l’exception des élus communistes du Front de Gauche. Même le principe de précaution n’aura pas résisté à la consigne des états-majors.
Télécharger l’intervention d’Hubert Wulfranc : 5.03 – Interv HW – Contournement Est