Séance du Conseil Général 18 décembre 2012 –
Mes chers collègues,
C’est dans un esprit de grande responsabilité que nous abordons mes camarades et moi cet exercice budgétaire. Le premier pour notre majorité sous un gouvernement de gauche, depuis 2004 que nous travaillons ensemble dans l’intérêt des seino-marins et de la seine maritime.
Ensemble nous avons fait en sorte que le département mène une politique au plus près des besoins de nos concitoyens, une politique identifiée de gauche. Contrairement à ce que soufflent régulièrement nos collègues de droite, nous n’en avons pas fait trop, au moment où leur gouvernement tapait dur sur les services publics et sur les collectivités.
Ces dernières années,nous avons été un espace de résistance.
En 2011, sous prétexte des difficultés croissantes auxquelles nous étions confrontées, le plan de consolidation adopté sans notre consentement a engagé le département dans une réduction de la voilure de ses actions.
Le budget qui a suivi, à la veille des élections, avait été voté par notre groupe sous conditions : en cas de victoire de la gauche, nous espérions la mise en place d’un collectif budgétaire qui viendrait soutenir les collectivités et leur donner de l’air. Vous aviez pris cet engagement devant cette assemblée, Monsieur le président, engagement qui n’a pas été respecté, le gouvernement s’engageant dans la mise en place du traité budgétaire.
C’est un problème, car aujourd’hui, et depuis le vote du dernier budget, les conditions ne sont plus les mêmes. La droite n’est plus aux manettes. Aujourd’hui, c’est la gauche qui est en responsabilité à tous les étages. Et ses responsabilités sont grandes.
Car la crise est passée par là. Et les conditions de vie de nos concitoyens se dégradent de jour en jour, vous le savez tous aussi bien que moi.
Logiquement, donc, le rôle du département devrait s’en trouver renforcé, avec encore plus de solidarité pour répondre aux besoins qui explosent, pour jouer le rôle de bouclier social, pour protéger.
Mais ce n’est pas ce qui nous est proposé. Le budget présenté aujourd’hui est l’application directe du plan de rigueur adopté en 2011. Il s’inscrit dans la mauvaise logique du traité budgétaire européen qui impose la réduction des dépenses publiques.
Ce qui est proposé : réduire les investissements, réduire le budget de fonctionnement, augmenter les impôts. C’est ce qu’on appelle l’austérité.
Ce que nous avons combattu ensemble, qui était inacceptable du temps de la droite au pouvoir, ne peut pas, ne doit pas le devenir sous un gouvernement de gauche.
Un tel budget, c’est la triple-peine.
Cette austérité, c’est d’abord, le plus court chemin vers la récession
En période de crise, l’augmentation de 12,5% de la fiscalité, c’est une hausse insupportable pour les ménages, propriétaires de leur logement, dont la situation financière est déjà fragilisée par l’emprunt qui fragilisent déjà leur situation financière en empruntant.
Quand aux bailleurs sociaux (dont Habitat 76) comment vont-ils pouvoir équilibrer les opérations nouvelles avec une hausse du foncier qui s’ajoute à une hausse de TVA ? Ces bailleurs iront voir les Maires (et ils le font déjà) pour qu’ils donnent des terrains, et peut-être des subventions. J’attire l’attention de mes amis Maires ici présents pour qu’ils mesurent la portée négative d’une telle décision.
En parallèle, la réduction de la capacité de fonctionnement, c’est la réduction de l’intervention du département auprès des populations et particulièrement les plus en difficultés. Ceux qui justement bénéficient des politiques de solidarité.
Les organisations syndicales des personnels du département sonnent l’alarme encore récemment sur la situation de l’Aide Sociale à l’Enfance dans une lettre ouverte. Les associations de prévention sont elles aussi très inquiètes quand à leur avenir et l’avenir de leurs missions auprès des publics les plus en difficultés. Le sort qui leur est fait est inacceptable, avec une division par 2 du budget qui leur est alloué.
Mes chers collègues, il faut savoir entendre ce que cela signifie en termes de recul des solidarités dans notre département et le degré de recul des services publics que nous sommes en train d’atteindre.
Réduire la capacité d’investissement du département, c’est aussi directement contribuer à assécher l’activité économique locale en réduisant les carnets de commandes des entreprises. C’est l’inverse de la relance, c’est la récession.
Deuxièmement, ce budget signe le divorce du couple commune département pourtant vital pour préserver un aménagement équilibré des territoires, vital aussi pour qu’il n’y ait aucun territoire oublié. La conscience que ce couple commune/département vole en éclat est une réalité.
Les critères drastiques imposés aujourd’hui aux communes par notre collectivité pour l’attribution des subventions ont un impact direct sur l’économie réelle. Là encore c’est la récession qui nous guette.
Enfin, cette situation budgétaire met gravement en danger l’existence du département en tant que tel.
Car dans ces conditions, sans marges de manœuvre financière et donc politique, le rôle du président du département se réduit à celui de gestionnaire d’établissement et l’assemblée devient une simple chambre d’enregistrement.
Il y a là un danger, celui de la disparition à terme des départements, au profit des grandes régions, sur un modèle à l’Allemande, qui s’accompagne d’un recul démocratique et d’un éloignement des citoyens des centres de décision !
Nous disons notre inquiétude de voir d’un côté l’existence des départements réaffirmée lors des assises des collectivités, mais menacés concrètement par l’absence de réponses sur leur autonomie financière.
Lorsque la droite dans cet hémicycle se réjouit des choix de gestion de notre majorité, (comme on a pu l’entendre lors du débat d’orientations budgétaires ou encore ce matin), il y a de quoi s’alarmer. Cela veut dire que nous n’allons pas dans le bon sens.
Car en matière de rigueur budgétaire, ils en voudront toujours plus.
Car c’est bien tout le problème de la droite que de vouloir sans arrêt répondre aux exigences du Medef et de la finance, à la loi du profit maximal, au détriment de toute autre considération sociale, économique, ou environnementale.
C’est le problème de la droite et cela ne doit pas devenir le problème de la gauche.
Notre groupe réaffirme ici sa volonté ferme de participer à la conduite les affaires du département dans le sens de l’intérêt général, dans le sens de l’intérêt des populations et des territoires.
Cette volonté ne nous a pas quittés depuis 2004 et c’est bien parce que nous voulons rester fidèles à nos engagements en direction des électeurs que nous ne pouvons accepter de cautionner l’erreur dans laquelle nous enfonce le budget qui nous est proposé aujourd’hui.
En toute responsabilité et dans l’intérêt de notre majorité et de la réussite de sa politique, nous ne pouvons pas manquer d’interpeller nos concitoyens, nos électeurs et les élus locaux que vous êtes, sur les conséquences dramatiques de telles orientations si elles devaient se confirmer.
Monsieur le président, chers collègues nous ne voulons pas du budget d’austérité qui nous est proposé et auquel vous êtes contraint, nous ne le voterons pas. Les conséquences pour les seino-marins en sont trop lourdes.
En nous abstenant sur ce budget, nous faisons le choix d’être les plus utiles possible, au sein de notre majorité,en étant à la fois critiques et responsables, en versant au débat des propositions qui peuvent permettre de redresser notre cap et de préserver la capacité d’agir du Département :
Plutôt que de chercher à faire des économies impossibles, il faut augmenter le budget, aller chercher l’argent là où il est, c’est-à-dire pas dans la poche des citoyens qui sont déjà touchés par les effets de la crise.
L’argent existe : l’Etat vient de décider d’accorder 20 milliards aux entreprises dans le cadre du pacte de compétitivité. Pour l’ensemble des départements de France, le besoin de créances s’élève à 6 milliards d’euros.
Je reprends donc la proposition développée par mon collègue Claude COLLIN lors du DOB concernant le remboursement de la dette de l’Etat. En l’étalant sur 5 ans, cela ferait près de 150 millions par an ce qui donnerait une bouffée d’oxygène aux finances de notre département. C’est le sens des courriers que nous avons adressé au Président de la République qui s’est dit sensible à la question. Pour l’interpeller ensemble, nous donc proposons de remettre en route le compteur de la dette.
Nous mettons aussi en garde le gouvernement qui souhaite, selon les annonces faites par le Président de la République lors des Etats généraux de la démocratie territoriale transférer aux départements la dépendance et le handicap sans leur en donner réellement les moyens financiers.
Plus généralement, nous souhaitons, avec les élus communistes et républicains, une réforme fiscale qui mette très rapidement à contribution les entreprises avec un véritable impôt économique et territorial dont la base serait assise sur la valeur des équipements immobiliers et mobiliers. Cette réforme serait complétée par une taxation des actifs financiers des sociétés, des banques et des assurances à un taux de 0,5%. Sur un montant évalué à 5 000 milliards, cela rapporterait entre 20 et 25 milliards qui seraient versé sur un fond de péréquation à destination des collectivités.
Enfin, parmi les propositions que l’on peut formuler, il y a celle qui permettrait pour les collectivités, les départements, d’emprunter à des taux très bas, voire nuls, auprès de la Banque de France ou de la BCE. Cette mesure s’inscrit dans la mise en place d’un véritable pôle public financier qui, par un autre type de crédit et par un contrôle public des banques inciterait à orienter les dépenses vers les besoins des populations et non vers les plus riches et la spéculation.
Mes chers collègues, je suis convaincu que comme mes collègues du groupe communiste, vous êtes inquiets de l’avenir de notre collectivité,
Je ne doute pas que vous souhaitez, comme nous, que notre département réussisse, que notre département mène une politique de gauche, qui ne soit pas au rabais mais bien au service de tous les seino-marins, sans en laisser au bord de la route.
C’est le souhait, c’est la volonté de nombreux élus locaux de gauche qui se retrouverons à n’en pas douter dans mon propos d’aujourd’hui, à l’instar de notre collègue Michaël Moglia conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais qui, refusant la ligne d’austérité nationale, dénonce la « prison intellectuelle » que représentent les « fameux 3% de réduction de la dette ».
Ensemble, faisons en sorte de ne pas nous laisser enfermer dans des carcans, bousculons les scénarios pré-établis, ayons de l’audace ! De ce point de vue, l’Eure vient de nous montrer l’exemple à suivre. Ayons du courage politique pour faire réussir la gauche et le département, pour changer la vie et redonner de l’espoir à nos concitoyens. Envoyons ensemble un message clair au gouvernement, donnez nous, donnez vous les moyens de réussir, ne laissez pas les français orphelin du changement qu’ils ont voulu.